Notes
de lecture du numéro 70 - février 2007
Stephane OLIVESI,
dir., Sciences de l'information
et de la communication Objets, savoirs, discipline,
Presses universitaires de Grenoble, 2006, 287 p.
Paul RASSE, La rencontre des
mondes. Diversité culturelle et communication, Paris,
Armand Colin, 2006, 331 p.
Geneviève VIDAL, Contribution à l'étude
de l'interactivité. Les usages du multimédia de
musée, Presses
universitaires de Bordeaux, coll. L@byrinthes, 2006, 168 p.
Stephane OLIVESI, dir., Sciences de l'information et de la communication Objets, savoirs, discipline, Presses universitaires de Grenoble, 2006, 287 p.
Recension par Alina ROMASCU, étudiante en master 2 Recherche « Esthétique, communication audiovisuelle et médias », Université Toulouse-Le Mirail (n° 70, février 2007)
Cet ouvrage dirigé par Stéphane
Olivesi rassemble sous un titre aussi englobant qu'une discipline
puisse l'être une série de réflexions
et de mises en perspective des principaux « domaines de
compétences » des Sciences de l'Information et de
la Communication (SIC). Il s'agit d'un ouvrage, construit en trois
parties (objets, savoirs et discipline) qui accueille sur l'ensemble
de ces parties, seize contributions.
La première partie « objets » ,
la plus importante en nombre de contributions, rassemble neuf
textes qui dressent l'univers des objets sur lesquels porte principalement
le travail des chercheurs en SIC. En ouvrant cette partie, Jean-Pierre
Esquenazi aborde la question des publics juxtaposée aux
problématiques participant du processus d'interprétation
des médias. Dans une deuxième contribution intitulée
« Pratiques culturelles et médiation » Michèle
Gellereau nous propose une approche de la « médiation
culturelle » vue comme « construction théorique
qui décrit des pratiques et des dispositifs, des modèles
d'action et de formation ». Le secteur de l'information-documentation
analysé par Jean-Paul Metzger est présenté
comme « une activité et un objet d'étude et
d'analyse » caractérisé par « l'accès
au savoir et à la culture, et le savoir sélectionné
et enregistré ». Un important lieu investi par
les chercheurs en SIC et exposé par Roselyne Ringoot et
Denis Ruellan est celui de l'activité de journalisme, activité
qui mobilise principalement trois acteurs : les journalistes,
les sources d'information et les publics. La réflexion
de Jacques Le Bohec porte sur « la communication politique »
et sur les pratiques et moyens de communication mis en uvre par
les spécialistes dans ce domaine (publicitaires, communicants,
sondeurs, politologues, attachés de presse, intellectuels)
afin d'« emporter la conviction des électeurs ».
Un autre domaine de compétences des SIC mise en valeur
par Caroline Ollivier-Yaniv est la communication publique. Elle
est « le reflet de l'intérêt général
» tout en contribuant « à fixer les cadres
et les normes des discours et des comportements des individus
ou des médias, uvrant ainsi comme un dispositif de régulation
de l'espace public national ou local ». Dans sa contribution,
Isabelle Pailliart introduit la « communication territoriale »
en la mettant en relation avec de nouvelles pratiques sociales
comme, par exemple, le rapport des individus à leur territoire
de vie, leur rapport à la vie politique, leurs pratiques
sociales et culturelles, l'évolution des références
identitaires, etc. Cette première partie de l'ouvrage,
compte tenu de son objectif, ne pouvait pas faire l'économie
d'une mise en perspective de la communication des organisations.
Ainsi, Nicole D'Almeida et Yanita Andonova présentent dans
un premier temps l'émergence de la communication organisationnelle
et sa légitimité, pour dresser, dans un deuxième
temps, une esquisse des organisations communicantes. Enfin, dans
la dernière contribution de cette première partie,
Alain Rallet apporte quelques éléments de réponse
aux questions liés aux technologies de l'information et
de la communication, à leur importance économique,
à leur utilisation par les individus, etc.
La deuxième partie de cet ouvrage recouvre les principales
formes de savoirs développées dans les SIC et regroupe
cinq contributions. Une première forme de savoir analysée
par Bernard Miège porte sur les industries culturelles
et médiatiques. Un deuxième forme de savoir retenue
par Stéphane Olivesi est celle de l'anthropologie de la
communication. Son texte accueille l'idée d'« anthropologies
», car selon lui, il y a une multiplicité d'objets
et de questionnements qui, dans le domaine des SIC, nécessitent
la mobilisation de grilles d'analyses empruntées à
différentes approches anthropologiques. Au cur de cette
deuxième partie, Roger Bautier déploie sa réflexion
sur l'espace public entendu comme espace de communication
en deux temps : dans un premier temps, par une approche
historique allant du xviiie siècle à nos jours,
et dans un deuxième temps, par une analyse des moyens de
communication développés pendant cette période.
La réflexion de Simone Bonnafous porte sur deux périodes
marquantes de l'analyse du discours, notamment sur la rencontre
entre l'analyse du discours et les SIC, d'une part, et, d'autre
part, sur la méthodologie de l'analyse du discours. Une
dernière forme de savoir présentée dans cette
deuxième partie de l'ouvrage, est relevée par Guy
Lochard et Jean-Claude Soulages. Ils mettent en évidence
les relations, les interrelations mais aussi les influences théoriques
qui se sont établi entre la sémiotique, la sémiologie
et les SIC, en faisant référence à un exemple
concret, celui de la communication médiatique.
L'ouvrage s'achève avec une troisième partie qui
comporte deux contributions consacrées à l'étendue
et au positionnement de la discipline des SIC dans le temps et
dans l'espace. Robert Boure propose plusieurs regards sur l'histoire
de la discipline, sur l'étude des processus d'institutionnalisation,
sur les méthodologies, mais aussi sur les origines des
SIC. Enfin, la dernière contribution de l'ouvrage est apportée
par Hélène Cardy et Pascal Froissart qui réalisent
une cartographie des SIC portant sur la naissance et l'institutionnalisation
de la discipline. Selon Stéphane Olivesi, « ces deux
dernières contributions viennent utilement rappeler que
les SIC au même titre que d'autres disciplines forment avant
tout un espace social relativement autonome, doté d'une
histoire propre et d'une configuration spécifique, contribuant
à la production d'un ensemble déterminé de
connaissances ». En bref, il s'agit d'un ouvrage qui atteint
amplement son objectif de faire connaître les SIC.
©
Sciences de la Société n° 70 - février
2007
Paul RASSE, La rencontre des mondes. Diversité culturelle et communication, Paris, Armand Colin, 2006, 331 p.
Recension
par Stefan BRATOSIN, MCF de
Sciences de l'information et de la communication, LERASS-équipe
CTPS, Université Toulouse 3 (n° 70,
fév. 2007)
Présenté par l'auteur lui-même comme une «
anthropologie de la communication », le dernier ouvrage
de Paul Rasse, « La rencontre des mondes. Diversité
culturelle et communication », propose un double regard
sur toute une série des contextes pratiques fondateurs
de sens pour l'homme entendu dans son ensemble « dans toutes
les sociétés, sous toutes les latitudes, dans tous
les états et à toutes les époques ».
Ainsi, dans une première partie, huit chapitres sont dédiés
à l'anthropologie historique, alors que les six autres
chapitres, de la deuxième partie, portent sur les «
perspectives anthropologiques des mondes contemporains ».
Dans la partie « Dynamiques de la communication »
consacrée à l'anthropologie historique, Paul Rasse
se donne pour objectif de mettre en évidence, dans divers
travaux, les recherches concernant la communication en tant que
phénomène socio-historique. Plus exactement, la
première partie de l'ouvrage « se risque à
une histoire des processus et des communications ayant mis en
relation les sociétés et les civilisations, jusqu'à
produire notre univers postmoderne, où un modèle
de civilisation dévient hégémonique ».
La problématique sur laquelle est construite cette partie
de l'ouvrage repose sur la tension qui résulte ou centre
les interrogations anthropologiques de deux phénomènes
dont l'orientation est à la fois opposée et complémentaire.
D'une part, l'incessant penchant de l'humanité pour la
production de la différence, de la distinction, de la diversité,
de l'identité aussi bien au niveau de l'individu qu'au
niveau de la collectivité. D'autre part, la préoccupation
humaine de fonder et de construire l'histoire, c'est-à-dire
de développer les échanges, de rencontrer l'autre,
de communiquer.
Les « dynamiques de la communication » apparaissent
à travers un ample florilège d'illustrations dont
les marques historiques tracent le parcours de l'humanité
de « l'invention de la différence » perdue
dans les origines de la famille et jusqu'à « la révolution
connectique » dont les effets sont une « société
atomisée » et un individu « isolé puisqu'il
peut vivre seul ».
Les étapes de ce processus, telles qu'elles apparaissent
dans l'ouvrage de Paul Rasse, sont des constructions intellectuelles
qui convoquent et articulent aussi bien les discours sur des technologies
que des idéologies ou des pratiques socio-économiques
et politiques. Ainsi, l'invention, la révélation
et la fin des terroirs est un des lieux fortement évocateurs
de l'évolution historique de la symbolisation jusqu'à
la désymbolisation de la différence qui enracinait
les communautés. Aussi, le développement des transports
permet de découvrir « un beau paradigme de la rencontre
des mondes », mais en même temps conduit à
l'émergence des déséquilibres de toutes sortes.
Des différences anciennes sont, certes, effacées,
mais d'autres différences nouvelles s'installent dans le
monde. Un troisième lieu où se révèlent
les « dynamiques des communications » est celui du
passage « du prolétariat au monde ouvrier »
et du développement de « la société
industrielle de masse ».
Le regard anthropologique de la communication proposé dans
la deuxième partie de l'ouvrage « La diversité
des cultures en question » relève fondamentalement
une perspective ethnologique déployée sur «
les implications sociales de nouvelles technologies de l'information
de la communication » et sur les mutations culturelles adjointes
imposées ces dernières années, dans un rythme
de plus en plus soutenu, à toute humanité. Pour
illustrer cette situation nouvelle, Paul Rasse met en exergue
à partir « de phénomènes contemporains
de brassage et de recomposition des cultures (...), les processus
d'uniformisation du monde et d'atomisation de la diversité
culturelle ». Les axes de la problématique sur lequel
repose la deuxième partie de l'ouvrage apparaissent, d'une
part, autour des questionnements concernant la production, la
dynamique et l'évolution du phénomène de
mondialisation dans un contexte où la diversité
des civilisations oscille entre effacement et recomposition. D'autre
part, les questions sur l'impact des nouveaux moyens de communication
sur les rapports sociaux et les formes des sociabilités,
constituent le second pôle de la problématique dans
cette partie de l'ouvrage.
La mise à question de la diversité des cultures
participe, ainsi, d'une logique qui se révèle aussi
bien dans « la technologie unidimensionnelle » que
dans les « enjeux du développement local ».
Elle est, aussi, appuyée par des pratiques alimentaires
qui tendent vers des extensions universelles en nivellement dans
leur passage les goûts et les réflexes culinaires
traditionnels. La diversité culturelle est également
mise un rapport avec la démultiplication des formes de
structures familiales, démultiplication qui renforce et
en même temps désagrège la nucléarité
familiale. En dernier lieu, la « sociabilité des
réseaux » réitèrent, elles aussi, la
mise en question de la diversité culturelle qui traverse
cette dernière partie de l'ouvrage.
Enfin, pour conclure, il faut souligner qu'entre la « mémoire
anthropologique » et la « critique de la communication
», Paul Rasse forme l'hypothèse d'une planète
dont les beaux jours à venir dépendent de l'attitude
prise par chaque individu vis-à-vis des informations qui
à travers les médias « nourrissent notre intelligence
du monde ».
©
Sciences de la Société n° 70 - février
2007
Geneviève VIDAL, Contribution à l'étude de l'interactivité. Les usages du multimédia de musée, Presses universitaires de Bordeaux, coll. L@byrinthes, 2006, 168 p.
Recension par Emmanuelle LAMBERT, docteur en Sciences de l'information et de la communication, LERASS-équipe Médiapolis, Université Toulouse 3 (n° 70, fév. 2007)
Enseignante-chercheure en Sciences de l'information
et de la communication, Geneviève Vidal nous livre ici
un volume dans le droit-fil de ses recherches antérieures,
à la croisée du multimédia et des musées.
Passé l'introduction, qui retrace en France
l'avènement des technologies de l'information et de la
communication, celles des études de réception autour
de ces tic, les préalables d'usage autour des notions d'interaction
ou d'interactivité, le tout plus particulièrement
dans le contexte des médiations muséales, l'ouvrage
s'articule en un triptyque autour du multimédia muséal,
de ses publics et alors du musée dans la société.
Comme l'augure son titre, le premier volet envisage « Les
interfaces multimédias comme médiation culturelle
». Depuis l'immensité des fonds muséaux jusqu'à
l'émergence de visites plus ou moins virtuelles,
l'auteur dresse un panorama fourni des différentes techniques,
étapes historiques ou encore des acteurs et producteurs
de telles imageries muséales, désormais en ligne
: en effet, après avoir rapidement évoqué
les bornes multimédias et cdroms, l'étude ne
se consacrera qu'éminemment aux sites de ces musées,
ouvrant tour à tour les portes électroniques du
Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN), de la fameuse
Cité des sciences et de l'industrie (CSI), du Louvre ou
d'Orsay, poussant celles du musée des Augustins à
Toulouse ou encore quelques portails muséaux régionaux.
Et quand bien même le ministère de la Culture pourra
être aux avant-gardes de ce cyberspace, il s'agira pour
l'auteur de questionner « une médiation qui se cherche
encore », entre informer et séduire un public ; en
tout état de cause diffuser, et permettre l'accès
à de tels patrimoines au plus grand nombre. Outre les messageries
et lettres d'information électroniques, les classiques
du genre sondages et questionnaires en ligne, deux focus permettront
de s'attarder sur les forums liés à des expositions
du MNHN ou de la CSI, avant de rejoindre les lieux principaux
des collections et expositions en ligne. Là où d'aucuns
pourraient attendre quelques prouesses techno-muséales
visites guidées ou virtuelles, multiples jeux et
autres animations l'auteur ne relève au final
sur les sites que piètre contamination de telles innovations
interactives. Et l'auteur de corroborer, l'idée d'un musée
pris entre innovation et sa mission, « en contrôlant
précisément les comportements en ligne à
distance ».
Ce qui nous amène alors à l'autre versant de l'étude,
consacrée aux publics, et au « pouvoir des usagers
». Avec le multimédia en ligne, simplification d'accès
au réseau, « pouvoir grâce à l'interactivité
», nouvelles expériences et nouvelles émotions
(où l'on reparle du cd-rom), seront en effet venu renouveler
la figure de celui qu'il convient dès lors de nommer «
usager » et non plus « récepteur ». Il
pourra alors être entendu comme celui qui revendique quelques
postures supplémentaires dans la relation médiatique,
et une « volonté d'intervenir dans le processus de
médiation », quand bien même différentes
logiques d'usage pourront se dégager : logiques utilitariste,
altruiste, de distinction, hédoniste ou ludique... La rencontre
de cet usager et du musée par le truchement
de son multimédia laisse entrevoir de nouvelles
pratiques, fondées sur de possibles manipulations désacralisées
des contenus en ligne... et alors un possible repositionnement
de l'acteur institutionnel muséal : quand le « bazar
» ébranle là aussi la « cathédrale
».
Après thèse et antithèse, vient donc le temps
de la synthèse, et d'une troisième partie intitulée
« Les musées dans la société de l'information
». La réflexion de l'auteur révèlera
à cet endroit les multiples tensions et dialectiques à
l'uvre : les représentations déjà évoquées
et divergentes entre institutions et usagers ; le compromis
entre un accès à tous, qui oscillera alors entre
culture et marchandisation ; la difficile conciliation entre
créativité et standardisation ; ou celle encore
entre missions muséales d'intérêt général
et industrie culturelle Le musée sera-t-il amené
à changer ? Deviendra-t-il l'« espace public »
que certains appellent aussi de leurs vux ? L'auteur, à
son tour entre élan mobilisateur et constat plus alarmiste,
souligne de possibles limitations interactives, et pose la question
d'une apparente contradiction, en matière de multimédia
muséal, autour de quelque interactivité, certes,
mais d'une interactivité passive. Puisse alors un tel ouvrage,
de par toutes les qualités d'investigation qu'il renferme,
contribuer au réveil institutionnel et multimédia
invoqué.
©
Sciences de la Société n° 70 - février
2007