Notes de lecture du numéro 57 - octobre 2002

Gino GRAMACCIA, Les actes de langage dans les organisations, Paris, L'Harmattan, 2001.
Hervé LE BRAS, Naissance de la mortalité : l'origine politique de la statistique et de la démographie, Paris, Editions Gallimard/ Le Seuil, 2000.
David ROGERS, The big four British banks ; organization, strategy and the future, éditions St Martin's Press, 1999.
Corinne WELGER-BARBOZA, Le patrimoine à l'ère du document numérique. Du musée virtuel au musée médiathèque, Paris, L'Harmattan, 2001.
Robert BOURE, Les origines des Sciences de l'information et de la communication. Regards croisés, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2002.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 
INFORMATION-COMMUNICATION

Gino GRAMACCIA, Les actes de langage dans les organisations, Paris, L'Harmattan, coll. Communication des organisations, 2001, 287 p.

Recension par Jean-Thierry JULIA, MCF associé en Sciences de l'information et de la communication, LERASS, Université Paul Sabatier-Toulouse3 (n° 57, oct. 2002)

Il en va de la réflexion en communication organisationnelle comme des saisons. Et en ces heures automnales, la lecture d'un abondant ouvrage vous permettrait de prolonger la belle saison, ... quand ce ne serait déjà fait, l'ayant récemment fait suivre sur le sable parmi vos lectures en souffrance. L'ouvrage de Gino Gramaccia (le texte issu de son Habillitation à diriger des recherches a été amplement refondu) est paru en 2001 dans la collection « Communication des organisations ». Chez L'Harmattan : il n'y a pas que dans le sable que l'on trouve de belles coquilles...
Donc, actes de langage et organisations. Fruit d'une recherche-action conséquente, la réflexion proposée, qui s'annonce originale, ne déparerait certes pas parmi les ­ nombreux­ ouvrages de communication organisationnelle ­ quand bien même l'auteur s'excuserait de l'« opportunité d'un tel transfert théorique ». Encore pourrait-elle trouver subrepticement sa place parmi d'autres volumes, moins nombreux, afférents au questionnement théorique des fondements de la communication ­ et notamment aux processus de langage qu'elle sous-tend.
L'ouvrage se compose, ou plus exactement se pose en trois grandes parties : les deux premières viennent en guise de consistant préalable à ce qui ne constituera le vif du propos qu'au terme de la dernière partie. L'auteur se veut prudent et mesuré en la matière. Chi va piano va sano...
Première partie : état de l'art et questions méthodologiques. Où le chercheur, avec science et pragmatisme, dresse le bilan d'un demi-siècle de contributions à la pensée organisationnelle : fonctionnalisme, structuralisme, systémisme et cybernétique ­ mais point trop n'en faut ; théorie de la structuration, analyse stratégique, adhocratie, jusqu'àune réhabilitation de l'analyse institutionnelle de Lourau et Lapassade, dans les années 1970, quand ces auteurs avaient pressenti plus que développé la question sémiotique qui motive ici l'ouvrage. Gramaccia se rangera au final derrière James R. Taylor : « Le concept d'organisation est une abstraction», l'organisation s'avère médiatisée par la communication et les acteurs de cette organisation-texte ne font rien d'autre que travailler sur sa composante signifiante. Ou bien encore, dans des termes très derridiens, quand transaction, conversation et interaction sont au fondement du sens organisationnel... Qui nous amène à une précision méthodologique, dès lors inéluctable : l'auteur argumentera ici, au-delà d'une approche ethnométhodologique, en faveur d'une démarche inspirée de l'individualisme méthodologique cher à Raymond Boudon. Le chercheur-acteur« clinicien » se fera fort de récolter les fragments de ce récit organisationnel « en train de se faire » : comptes-rendus, échanges informels, témoignages, etc.
Au fil de notions déjà éprouvées dans le champ des organisations, la deuxième partie de l'ouvrage va s'attacher à mettre en évidence ­ au seinde l'équipe, du projet ou de la structure ad hoc...­ de nouveaux liens communicationnels, et par là même organisationnels. Le développement s'appuie alors sur plusieurs volets d'une recherche-action menée dans le cadre de groupes d'innovation : esprit de don et logique de scénario de projet, synchronisation cognitive et ingénierie concourante. Au final, le lien communicationnel émergera, latent, au creux de ce type d'organisation. Une typologie en sera enfin proposée, avant que de s'attaquer, plus pragmatiquement, aux procédés langagiers effectivement en jeu dans de telles communications. C'est là l'hypothèse de l'auteur, à laquelle aboutit la troisième partie : hypothèse d'un acte de langage lui-même déjà organisationnel, et de ce fait, d'un illocutoire organisationnel. L'analyse estassurément attrayante, en termes de narration et projection, et de leur dialectique. Sont tout d'abord convoquées et revisitées des notions autour desquelles la pensée communicationnelle aura déjà largement discouru : histoire de l'organisation, mémoire des événements, etc., toute la dimension narrative selon laquelle peut être effectivement actualisée l'organisation en tant que «texte ». En contrepoint, l'auteur proposera d'envisager le pendant projectif d'un tel discours : il sera mis en ìuvre dans toute activité communicationnelle projective, et une communication organisante devra éminemment être forgée par l'outil de cet illocutoire organisationnel que l'auteur se propose, in fine, de préciser.
Nous le disions plus haut, la thèse présentée tout au long de cet ouvrage s'avère empreinte d'une grande originalité. Et quoique s'en défende l'auteur, une telle investigation, à la croisée de la linguistique pragmatique et de la communication organisationnelle, ne saurait être préjudiciable au champ communicationnel. Si le titre de l'ouvrage a pu paraître un temps par trop magistral­ l'auteur aura par la suite précisé que l'«illocutoire est une propriété des organisations projectives » ­, il n'en est pas moins le signe d'une intuition forte, générale, à laquelle Gino Gramaccia parviendra à nous faire adhérer. Et si, pour conclure, il forme le projet d'élaborer toute une théorie de communication organisationnelle autour de la notion d'interaction pragmatique, puisse un tel énoncé avoir valeur performative et signer l'engagement de l'auteur àla chose ! Rendez-vous à la saison prochaine ?
©Sciences de la Société n° 57 - octobre 2002

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 
ECONOMIE BANCAIRE

David ROGERS, The big four British banks; organization, strategy and thefuture, éditions St Martin's Press, 1999, 229 p.

Recensionpar Hélène INTRATOR, MCF de Sciences économiques, Université de Rouen (n° 57, oct. 2002)

Si les ouvrages de langue anglaise sont nombreux sur le système bancaire américain, il est en revanche plus difficile de dénicher des informations sur le système britannique. Aussi faut-il saluer l'édition de ce livre qui permet, malgré ses limites, d'en apprendre davantage sur le fonctionnement des banques britanniques, et notamment, sur les quatre plus grandes (les « big four », c'est-à-dire Barclays, Lloyds, Midland et NatWest.
D. Rogers est professeur de gestion à l'Universitéde New-York. Ses travaux portent essentiellement sur le systèmebancaire américain. De son propre aveu, la rédactionde ce livre n'a pas été aisée : « Lesstaffs dirigeants des big four fonctionnent comme un club informel» (20). Le gisement du recrutement est toujours le même: Eton et, jusqu'à la période contemporaine, l'aristocratiebritannique. La collecte de l'information demeure difficile, etla tentative de l'auteur méritoire.
L'objectif de Rogers est de comparer les évolutions destratègie et de développement des banques nord-américaineset britanniques consécutives aux mutations financièresdes annèes 1980. Aux États-Unis comme en Grande-Bretagne, les structures financières ont évolué dansle même sens : la banque universelle connait un déclingénéral, car de nouveaux concurrents (assuranceset établissements non bancaires) sont apparus. Cette évolutionn'est pas propre à la Grande-Bretagne, mais elle est plusmarquée. Ainsi, note Rogers, « la part des banquesdans le total des activités financières est passéede 57, 3% en 1946 à 31, 2% en 1990 aux États-Unis.En Grande-Bretagne, ce pourcentage passe de 70% en 1950 à1802% en 1979 » (3).
Les banques ont dû remettre à plat leur organisationet leur mode de fonctionnement interne, ainsi que leur stratégiede développement : après une période de diversificationpoussée (notamment dans la banque d'investissement et labanque d'affaires), on assiste au recentrage massif sur les activitéstraditionnelles (clientèle des ménages) dans lesannées 1990. Comment les banques ont-elles opèréce changement ? Pourquoi certaines d'entre elles y parviennent-ellesmieux que d'autres ? Quelles leçons tirer de l'expériencebritannique par rapport au fonctionnement des banques américaines? Telles sont les questions auxquelles tente de répondreD. Rogers. Le plan adopté pour ce faire est simple : aprèsavoir passé en revue les points communs et les divergencesentre les deux systèmes financiers (concentration, recrutement, contraintes réglementaires) ainsi que les récentsdéveloppements des innovations financières en Grande-Bretagne, il étudie successivement les quatre banques commercialesbritanniques. Il retrace à chaque fois les origines del'établissement, ses particularismes (culture d'entreprise), son mode organisationnel et enfin son comportement dans la périodecontemporaine.
Si la lecture est assez agréable au départ, le planadopte devient vite fastidieux car redondant : toutes ces banquesse conformaient (comme partout ailleurs, y compris aux États-Unis)à une structure interne hiérarchique et linéaire, quasi-militaire, avec un fort cloisonnement des activités.La situation de cartel des prix d'avant les mutations financièresne nécessitait pas des produits financiers élaborés, ni une approche marketing très poussée. Les bouleversementsfinanciers des années 1980 se sont d'abord traduits parune stratégie de diversification souvent mal maîtriseet erratique. Après une période plus ou moins longuede pertes, les actionnaires ont fini par se révolter etpar exiger le départ de l'ancienne classe dirigeante. Laremise en cause des stratégies est allée de pairavec les restructurations et la réorientation des modesde recrutement des élites. Aujourd'hui, chacune de cesbanques renoue peu à peu avec les bénéfices.
La Lloyds et Barclays semblent les établissements qui s'ensont le mieux sortis, la Midland et NatWest ont eu plus de difficultés.Pour l'auteur, la culture d'entreprise constitue la pierre d'achoppementsur laquelle butent les restructurations. C'est un peu court, d'autant que les banques européennes (françaiseset allemandes, notamment), ont connu ces évolutions historiques.Certaines ont subie des dommages importants (songeons au CréditLyonnais et à la Deutsche Bank). Mais au final, elles onttoutes abandonné cette stratégie au profit d'undéveloppement plus « raisonnable » (accordde coopération sur certaines ou un ensemble d'activités).De cela il n'est nullement question. De même, l'impact del'intégration européenne n'est jamais évoqué.Pourtant, les banques britanniques ont dû, comme les autresinstitutions européennes, s'y préparer en recherchantla taille optimale. Cette nécessite est à l'originede bien des fusions en Europe continentale. Certes, la Grande-Bretagnen'a pas signé l'accord sur la monnaie unique, mais faisantpartie de l'ue, elle devait se préparer à l'intensificationde la concurrence bancaire et financière en Europe. Celane traverse manifestement pas l'esprit de l'auteur.
On aurait souhaite également un parallèle avec l'évolutionactuelle du système américain. Pour une fois enretard par rapport à l'évolution européenne, les banques américaines continuent de miser sur la diversificationmaximale. La libéralisation du secteur est un phénomènerécent là-bas (en particulier, la possibilitépour les banques de détail d'effectuer des opérationsfinancières date de 1999 seulement, et l'activitéde bancassurance demeure circonscrite aux opérations d'assurance-vie).Rogers évoque cette situation sans l'approfondir davantage.Pense t'il que les banques américaines courent àla catastrophe, à l'instar de leurs consurs européennes? Ou qu'au contraire ce qui n'a pas fonctionné ici, seraun succès là-bas ? On n'en sait rien, et c'est bienregrettable. L'ouvrage reste par trop descriptif et il ne contientaucune analyse de fond sur ces questions pourtant essentiellespour le devenir des systèmes bancaires. Il laisse doncune impression d'inachevé et d'insatisfaction. Dommagepour le lecteur.
©Sciences de la Société n° 57 - octobre 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 
DEMOGRAPHIE

Hervé LE BRAS, Naissance de la mortalité : l'originepolitique de la statistique et de la démographie, Paris, Editions Gallimard/ Le Seuil, coll. Hautes Etudes, 2000, 380 p.

Recensionpar Luc MARCO, Professeur de Sciences de gestion, Université de Paris 13 (n° 57, oct. 2002)

Ce livre est le douzième d'HervéLe Bras, Directeur d'études à l'Ecole des HautesÉtudes en Sciences Sociales. Il parachève une oeuvreimpressionnante déjà consacrée à ladémographie et à ses retombées économiqueset sociales. L'auteur est aussi un historien accompli, comme leprouve amplement le présent ouvrage qui remet en questionune paternité acceptée de longue date par l'historiographiede la démographie et de la statistique. Le volume se présentesous les jolis atours de la collection Hautes études, fruitd'un partenariat entre Gallimard et le Seuil. Le sous-titre indiquela thèse défendue : la statistique et la démo-graphieont une origine politique et non naturelle. En démontrantque c'est bien William Petty qui a rédigé le textefondateur de 1662, notre auteur va à l'encontre d'une idéereçue qui attribuait cette paternité au seul CapitaineGraunt. Le cheminement qui amène à cette forte conclusionsuit trois pistes, en trois parties de difficulté croissante: la première intitulée « Politique de lamortalité », la deuxième consacréeà « L'argent et la mort », et la troisièmedénommée « Longue vie et âges dangereux». Dans un style sobre et précis, l'auteur dévoiletout un pan de l'histoire des sciences morales et politiques :la face cachée d'un changement notable de la conceptionde la mort.
La première partie, la plus longue, comprend six chapitres.Le premier s'attaque au problème central du débat: y-a-t-il eu un ou deux pères pour la démographie? En fait Graunt fut un prête-nom pour d'obscures raisonsd'amitié et de stratégie carriériste. Lesecond développe cette amitié étrange quia conduit à l'oubli du véritable rédacteurdes Observations. Le chapitre trois se livre à un exercicede haute voltige algébrique : reconstituer, avec les méthodesde l'époque, les chiffres de la célèbre tablede mortalité contenue dans les Observations de 1662. Nuln'avait réussi cet exploit qui relevait pourtant de lasimple arithmétique ; mais encore faut-il être unrelativiste convaincu et ne pas projeter nos calculs modernessur la pensée de ces ancêtres. Le chapitre quatreoppose la thèse classique d'un Graunt comptable s'intéressantaux morts et la thèse nouvelle d'un Petty voulant fonderune science politique. La balance penche nettement en faveur dusecond auteur. Le chapitre cinq retrace la genèse de lapensée pettyenne en repartant de son maître Hobbeset en montrant toute l'originalité de l'ouvrage de 1662, qui n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein, mais quiconstitue les prémices d'une tempête qui couve. Lechapitre six clôt cette partie remarquable par une analysedes relations entre le Roi d'Angleterre et les savants.
La deuxième partie croise d'autres sources, en quatre chapitres.Le chapitre initial synthétise les relations entre probabilités, annuités (d'amortissement) et mortalité. Il rassembleles travaux de Pascal, de Huygens, de Witt et de Hudde. Il intéresserales historiens de la gestion aussi bien que ceux de la démographieou des méthodes mathématiques. Le chapitre deuxprécise le rôle joué par les assurances surla vie, du comportement du joueur pur à celui plus mesuré­et plus « esprit Dix-neuvième » ­du père de famille. Le troisième aborde le passageentre la progression arithmétique et la progression géométrique, qui relève ici plutôt de l'histoire de la statistique, tandis que le dernier étudie un thème habituel deséconomistes : la mesure de la croissance. Avec l'arrivéedes logarithmes, le problème des hausses exponentiellesest alors résolu par le grand Leibniz.
La troisième partie nous a semblé plus difficiled'approche. Elle concerne un renversement de perspective entrel'idéologie de la recherche de la longue vie et l'idéeplus scientifique de l'existence d'âges dangereux au coursde la vie humaine. Le premier chapitre compare Halley et Neumann: pourquoi ce changement, des limbes de l'astrologie aux nuéesdu calcul précis de la mortalité constatée? Le deuxième s'attaque à la fabrication de l'empirisme: pourquoi choisir les décès et non les naissances, comment les données ont-elles été «lissées », etc. Le troisième chapitre étudieles nombres climatériques dans l'Antiquité, c'est-à-direprincipalement les chiffres 7 et 9. Le quatrième interconnectenéoplatonisme et tradition climatérique avec l'apportde Plotin, Ficin, Pic de la Mirandole et le triomphe de l'hermétisme.Enfin le cinquième élargit le débat aux relationsentre l'individu et l'État, à propos du débatsur l'inoculation (des maladies) entre d'Alembert et Bernouilli.
La conclusion résume tout l'ouvrage en trois points : lerôle de l'État qui avait besoin de tables de mortalitéprécises pour mieux gérer sa politique générale; l'opposition sémantique entre transition (démographique)et fluctuation (des populations) ; et surtout le travail de novationvenant de l'intérieur de la science démographiqueet non d'un deus ex machina extérieur : le Graunt de lamythologie fondatrice. Suit une bibliographie de 238 titres quireflète un travail érudit impressionnant et de longuehaleine. Un index des noms bien fait (avec les prénomsdes auteurs cités ce qui n'est pas si courant) et une tabledes illustrations (13 en l'occurrence) viennent complétercette belle oeuvre. Ce livre s'adresse en premier lieu aux démographes, aux statisticiens et aux économistes qui redécouvrirontl'important William Petty. Il éveillera sûrementla curiosité des historiens de ces disciplines, plus denouveaux venus : les gestionnaires-historiens intéresséspar la liaison entre la mortalité humaine et celle desentreprises, les historiens des sciences pour la dualitéd'une source unique entre deux disciplines, les spécialistesdu dix-septième siècle qui retrouveront leurs auteursfavoris. L'ouvrage est donc une grande réussite. Nous n'avonstrouvé qu'une coquille à la page 280 quand DanielBernoulli utilise en 1970 la table de mortalité : il fautbien sûr lire 1790...
©Sciences de la Société n° 57 - octobre 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 
INFORMATION-COMMUNICATION

Corinne WELGER-BARBOZA, Lepatrimoine à l'ère du document numérique.Du musée virtuel au musée médiathèque, Paris, L'Harmattan, coll. Patrimoines et sociétés, 2001, 313 p.

Recensionpar Emmanuelle LAMBERT, Doctorante en Sciences de l'informationet de la communication, LERASS, Université Paul Sabatier-Toulouse3 (n° 57, oct. 2002)

Corinne Welger-Barboza, spécialiste des sciences de l'information et de la communicationet de l'histoire de l'art à l'Institut Michelet d'art etd'archéologie (Université Paris 1), propose danscet ouvrage une réflexion originale sur le devenir du muséeà l'heure des technologies hypermédias, en interrogeantprécisément sa virtualisation tant annoncée.Mêlant sciences de l'information et histoire de l'art contemporain, son approche envisage l'institution muséale à traversun prisme double : une première partie est consacréeà une vision documentaire du patrimoine, notamment dansses déclinaisons sur supports numériques, quandla seconde s'attache aux adaptations du musée àde nouvelles formes d'art.
Dans un premier temps, l'auteur met l'accent sur les dimensionsdocumentaire et technologique qui impliquent la question de lanumérisation des informations (notamment les images) relativesaux fonds du musée, et celle du passage d'une problématiquede l'acces-sibilité de ces informations à cellede leur diffusion : politiques institutionnelles de gestion etde valorisation du patrimoine, rôle de l'État etindustrialisation culturelle participent encore à la réflexion.Dans un second chapitre, plus particulièrement consacréau cd-rom et à l'interactivité, l'auteur analysetrois titres de références issus des premièresproductions éditées, pour déterminer lescaractéristiques marquantes de l'évolution de l'écrituremultimédia. Au passage, une critique intéressantede la notion d'interactivité est développée(fragmentation des informations, non hiérarchisation descontenus, opacité du produit, spectacularisation...) pourconclure que celle-ci devrait être davantage penséeen termes de « fonction documentaire assumée ».Ainsi, l'idée avancée prône que de tels outilspeuvent et doivent proposer « une véritable capacitéd'intervention », mais nécessiteront alors en retour« une posture active d'élaboration et de travail». La valeur principale de l'interactivité réside, selon l'auteur, dans cette « utilisation qualifiante », qualification nécessaire à la manipulation interactive, savoir-faire jusque-là dévolu aux professionnelsde la documentation qui se voit aujourd'hui proposé àtout public. Un autre chapitre portant sur les sites de muséesconforte la critique de l'exploitation des propriétéshypermédias, mais est aussi l'occasion de mettre en avantles atouts d'une telle mise en réseau, comme par exemplel'immense répertoire d'informations et de ressources dèslors constitué.
Premier constat est donc fait du « primat d'une logiquede diffusion sur une logique d'acces-sibilité », et par là même, de nouveaux modes d'existence etde visibilité documentaires du patrimoine : une des notionsclés annonce le « devenir médiathèque» du musée, sur la foi de cette évolutiondocumentaire du musée en banque de données, annonçantune probable virtualisation de l'institution ­ référenceest ici faite à des notions par ailleurs développéespar Jean-Louis Déotte et Bernard Deloche.
La question de la virtualisation, ainsi que celle des relationsétroites entre l'oeuvre d'art et le musée sont ensuiteposées dans une tout autre perspective qui sous-tend laseconde partie. Une approche historique étayée retracetout d'abord les réflexions modernes (de Quatremèrede Quincy, Valéry, Proust, Blanchot, Adorno, jusqu'àMalraux) autour des problématiques de localisation et dedestination des oeuvres d'art dans le musée : l'institutiony est perçue comme opérant une « mise àl'écart de l'oeuvre (...) pour la contemplation comme pourla postérité », tout en procédant àsa légitimation. Ce processus de constitution du musée, ou encore de muséification, renvoie aussi à l'inscriptionde l'institution dans l'espace et le temps : deux notions toujoursd'actualité concernant le musée virtuel. L'auteurs'attache ensuite à démontrer comment les artistescontemporains (essentiellement ceux des années 1960 et1970) ont, quant à eux, visé à « dés-oeuvrer» le musée, par des démarches artistiquesremettant en cause le processus de patrimonialisation de l'oeuvre.Un large panorama de la création depuis les années1950 en envisage les traits saillants : dimension sociale et politique, réunification de l'art et de la vie, banalisation des objetsou des matériaux, reproductibilité, etc. La définitiond'un art immatériel et a-topique se dessine, élargissantles territoires de l'art, remettant en question l'unicitéde l'oeuvre, et se dérobant à la logique muséale.L'ensemble de ces questions ­ dont la justification dans ladémonstration n'est discernée que tardivement ­est ensuite reproblématisé dans le dernier chapitreautour de l'analyse des enjeux soulevés par l'art technologique(oeuvres en ligne et en réseau, dispositifs liésà la réalité virtuelle, cd-roms d'artistes): sont notamment évoquées les questions relativesau statut de l'image-calcul, à l'éclatement du pointde vue ou encore à la mise en scène de la technique.La question reste ouverte quant à la légitimationet donc l'intégration patrimoniale de telles oeuvres technologiques.
Qu'en est-il en définitive du musée au risque decette virtualisation ? Dans ce qui constitue le « devenirmédiathèque » du musée, un phénomènede « documentarisation du patrimoine » est àl'oeuvre, avec pour corollaire une extension, voire une disséminationde la patrimonia-lisation. Corinne Welger-Barboza propose la notionde « plasticité » ou « perméabilité» du musée aux pratiques culturelles de consommation.Numérisation et virtualisation sont certes des processusnouveaux, mais le musée s'adapte depuis longtemps aux oeuvreset autres documents qu'il gère. L'analyse a donc le méritede mesurer et resituer le chemin parcouru, tout en proposant unenouvelle perspective. Outre une bibliographie moins diversifiéeque les références mentionnées dans les notes, on regrette parfois que l'auteur ne s'intéresse pas tantaux nouvelles modalités d'accès aux objets du patrimoinequ'aux logiques documentaires muséales. Néanmoins, l'intérêt de l'ouvrage réside assurémentdans les apports complémentaires des disciplines conviéesà la réflexion, et l'acuité d'un regard surces problématiques actuelles.
©Sciences de la Société n° 57 - octobre 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 
INFORMATION-COMMUNICATION

Robert BOURE, ed., Les origines des Sciences de l'information et de la communication.Regards croisés, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2002, 182 p.

Recensionpar Christian LE MOËNNE, Professeur de Sciences de la communication, Université Rennes 2 (n° 57, oct. 2002)

C'est devenu un lieu commun de constaterque, pour exister comme « sciences », les disciplinesdoivent construire leur légitimité non seulementthéoriquement, mais aussi socialement et institutionnellement: la reconnaissance bureaucratique-administrative est la conditionnécessaire ­ et, bien entendu, non suffisante ­de l'attribution des ressources et du développement deséquipes, des recherches et des enseignements. L'histoiresociale des sciences est ainsi étroitement articuléeà leur histoire épistémologique, et les enjeuxthéoriques recouvrent, à chaque période, des enjeux et des intérêts sociaux, institutionnelset politiques d'autant plus difficiles à appréhenderet à démêler ­ y compris, et peut-êtresurtout, pour ceux qui en ont été les acteurs ­qu'ils se situent dans des registres et des temporalitésdifférents. L'articulation ­ pour ne pas dire l'intrication­ entre ces différentes dimensions de l'activitéscientifique nourrit, surtout depuis Kuhn, un vif débatentre histoire des sciences, sociologie des sciences et épistémologiedébat compliqué en France par le fait que ces approchessont elles mêmes en cours d'institutionnalisation commedisciplines. La reconnaissance institutionnelle d'une disciplineest donc un processus paradoxal : elle suppose une délimitationdisciplinaire préalable qu'elle contribue et oblige dansle même temps à institutionnaliser. De façonradicale, Robert Boure, responsable scientifique de cet ouvrage, soutient que « l'existence d'une discipline relevant desSHS est souvent postulée avant que les objets et le problématiquesne soient véritablement construits ».
Il n'était donc ni évident ni facile de rassemblerles éléments et les témoignages permettantd'engager une réflexion sur les origines institutionnellesd'une discipline récente, les sciences de l'informationet de la communication (sic). Pas évident, car s'intéresseraux origines d'une discipline est une question largement inéditedans les shs : comment qualifier une telle approche ? S'agit-ild'une histoire ? d'une chronique ? Comment la fonder théoriquement? Peut-on revendiquer, et jusqu'où, la rigueur méthodologiquedes historiens ? Comment éviter la construction rétrospectived'un récit magnifié ? Comment, à l'inverse, ne pas tomber dans le relativisme ou l'anecdote ? Pas facile, car au delà des enjeux institutionnels, politiques et épistémologiquestoujours aigus pour une « jeune » communautéde chercheurs, l'interprétation de la genèse dece qui peut être pensé comme un processus de scientifisationn'est pas sans enjeux contemporains. Car comme le rappelle uneréférence utile à Judith Schlanger, «le choix et la mise en relief des grands textes fondateurs, desépisodes décisifs et des grands noms n'est pas seulementun effet d'institution et un enjeu d'institution : c'est aussiune institution ».
L'histoire de cet ouvrage ne saurait démentir cette assertion: il est le résultat de séminaires du groupe detravail Théories et Pratiques Scientifiques de la SociétéFrançaise des Sciences de l'information et de la Communication, société savante qui a, par ailleurs, jouéun rôle majeur dans l'institutionnalisation du champ. Dansle préambule, puis une longue contribution liminaire àl'ouvrage dont il a assuré la direction et la coordination, Robert Boure, principal animateur de ce groupe de travail, s'attacheà analyser finement l'ensemble des contraintes et des enjeuxavec une méticulosité et une rigueur qui attestentà la fois d'une grande prudence épistémologiqueet politique et du souci de jeter les bases de ce qui pourraitconstituer un programme de recherches qu'il formule ainsi : «à quelles conditions, avec quelles précautions etpour quels objectifs peut-on sinon entreprendre une histoire dessciences de l'information et de la communication (sic), du moinss'intéresser à elles sous l'angle de leur(s) temporalité(s)? ». Quel périmètre pour la discipline, déslors qu'elle se définit comme une interdiscipline ? Quelleconception de l'histoire intellectuelle articuler à «une histoire globale problématisée » ? Quelle(s)conception(s) de la scientificité s'affrontent dans leprocessus de scientifisation et dans sa « narration »? Quel a été le rôle des individus et despersonnalités ? Quelle interprétation des événementset des opportunités ? Comment les remettre en situation?... Cette contribution dépasse, par son intérêtet son ambition, le champ des sic et pourrait être proposéeà l'ensemble des sciences humaines et sociales et pas seulementaux plus récentes. Elle offre l'intérêt majeurd'ouvrir sur un programme de recherches possible dont elle s'efforcede délimiter, de resituer et de relativiser les enjeux.
Jean Meyriat et de Bernard Miège mettent en perspective, en évitant l'anecdote, les quinze années d'émergenceet de consolidation des sic. Jean Meyriat est l'un des fondateursde la discipline et Bernard Miège celui qui, dans la générationdes bâtisseurs, a sans doute joué le rôle institutionnelle plus important au niveau de la délimitation. Par ailleurs, tous deux ont été Présidents de la sectioncompétente du cnu (52ème, puis 71ème) etde la sfsic. Si elle veut rappeler, notamment pour les plus jeunes, les moments-clés de la fondation administrative des sic, leur contribution dépasse la chronique pour mettre en perspectivele processus de construction théorique et épistémologiquequi, de 1975 à 1985 à travers la délimitationdu périmètre de compétence de la sectiondu Conseil National des Universités, contribue àconstruire un « noyau dur », résolument interdisciplinairedont « l'idée centrale est de distinguer l'étudedes processus et systèmes de l'information et de la communication, qui est spécifique aux sic, de la pratique de la communicationet de l'usage de l'information qui interviennent dans toute activitéhumaine ». Cette distinction est en effet nodale et marquela rupture nécessaire avec les techniques d'expressionet de communication, comme avec les techniques d'écriture, domaines auxquels étaient alors cantonnés nombred'enseignants-chercheurs. Les sic ont en effet cette caractéristiquede s'être souvent construites dans les universitésautour d'ufr littéraires dont elles se sont peu àpeu démarquées, notamment à travers des filièresprofessionnalisées (mais aussi des 3èmes cycleset des équipes de recherche). Les auteurs concluent parl'analyse des faiblesses caractérisent encore les sic :« ouverture internationale réduite », «légitimation seulement amorcée », «recherche en mal de structuration », « consciencedes enjeux loin d'être partagée par l'ensemble dela "communauté" concernée »...
L'argument d'une forte parenté initiale entre sic et littératurerenvoie aux fameuses techniques d'expression et de communicationqui étaient et sont encore souvent enseignées dansles iut et les bts, et parfois dans d'autres filières, par des enseignants de littérature. Observant quelquesparcours significatifs des fondateurs de la discipline, analysantles débats qui ont marqué les différentscongrès de la sfsic et pointant l'identité professionnelleet le rattachement disciplinaire des premiers directeurs de thèses, Jean François Tétu, interroge les origines littérairesqui sont volontiers prêtés aux sic. Si « l'histoirede la discipline (..) apparaît comme l'histoire d'une émancipationd'autant plus rapide que les "littéraires" n'ontjamais cherché à retenir les sciences de l'informationet de la communication », ce sont souvent des questionsqui ont émergé dans le champ littéraire, voire linguistique, qui ont contribué à alimenternombre de directions de recherches en communication. Pour autant, le développement de ces questions a suivi une logique propreà chaque discipline, de sorte que les sic ne s'identifierontjamais aux lettres ou aux sciences du langage. C'est la mise enrelation par les sic des objets, des dispositifs et des pratiquessociales qui déplace la perspective des études littéraireset des approches linguistiques ou sémiologiques et commenceà dégager un espace, on pourrait dire une posture, pour les chercheurs en communication.
Rosalba Palermiti et Yolla Polity analysent la dynamique d'institutionnalisationsociale et cognitive des seules sciences de l'information àpartir d'une enquête par entretien auprès des enseignants-chercheurset d'une étude des thèses soutenues de 1974 à1994. L'institutionnalisation cognitive concerne « le degréde consensus et la clarté des concepts, la pertinence desproblèmes posés, les formulations utilisées, l'acceptabilité des solutions, des méthodes, destechniques ou des instrumentations appropriées, la capacitécommune de distinguer le domaine parmi d'autres et de déterminersi un problème en relève... », alors que l'institutionnalisationsociale est relative à la création et au maintiendes structures formelles qui démarquent les membres dela communauté et leur donnent les bases d'une identitésociale. L'étude historique fait apparaître que sil'institutionnalisation cognitive des sciences de l'informations'est développée dès le début du siècledernier et si leur institutionnalisation sociale est plus lente, leur reconnaissance universitaire semble s'être effectuéeen marge de ce processus général, notamment cognitif.Les auteurs constatent que l'institutionnalisation des sic s'estréalisée « en l'absence de consensus sur lesobjets et les paradigmes » et dans une « union opportuniste» entre sciences de la communication et sciences de l'information, ce qui s'avérera préjudiciable à ces dernières.L'action des professionnels de l'information, famille éclatées'il en est, l'absence du monde des bibliothèques et desarchives, l'intervention des pouvoirs publics et le rôlede l'information scientifique et technique manifestent une tensionentre public et privé, universitaires et professionnels, qui s'exprime notamment dans le double système de formationentre écoles d'État et Université. Au final, une contribution finalement contrastée à ce programmede recherches sur l'archéologie des sic .
Viviane Couzinet a travaillé sur Documentaliste-Sciencesde l'Information (Doc-si), revue créée par l'Associationfrançaise des professionnels de l'information et de ladocumentation, anciennement Association des documentalistes etbibliothécaires spécialisés (adbs), principaleorganisation professionnelle de ce secteur. Cette revue forme, dès les années 1970, le projet de publier -entreautres- des travaux de chercheurs et des informations sur lesrecherches. C'est ce corpus spécifique qui sert ici desupport à une réflexion sur la mise en visibilitéprogressive de l'organisation des sic par une communautéde professionnels susceptibles d'être intéresséspar la reconnaissance universitaire de leurs savoirs et savoir-faire.La relative séparation entre recherches en communicationet en information est l'un des traits qui ressort le plus nettementdu reflet que propose Doc-si, reflet inspiré par ses centresd'intérêts et problématiques dominants, maisqui n'ignore pas les recherches en communication. La créationdu capes de documentation amène également revueet association à réfléchir sur les contenusd'enseignement et leur validité théorique. Au final, apparaît une relation assez paradoxale entre cette revueet les sic : leurs destins semblent avoir été plusliés que cela semble être revendiqué. D'autantque de nombreux enseignants-chercheurs travaillant sur l'informationont participé activement à l'institutionnalisationdes sic et ont, pour une large part d'entre eux, contribuéà faire évoluer institutionnellement les professionnelsdes secteurs de l'information et de la documentation.
Dans la contribution finale, Françoise Bernard analyseet met en perspective l'institution-nalisation progressive dela communication organisationnelle, c'est à dire la constructionprogressive et parfois difficile de la légitimitéde recherches sur les communications organisationnelles dans unchamp dont on a vu qu'il s'interrogeait sur ses origines littéraireset prônait une forte démarcation d'avec certainesproblématiques professionnalisantes jugées tropmécanistes et sommaires. Françoise Bernard souligneque « les difficultés propres au champ de l'informationet de la communication sont encore amplifiées quand onaborde le domaine de la communication des organisations », notamment l'interdisciplinarité nécessaire pourtoute étude sérieuse des phénomènes, et l'impossibilité d'une théorie unique ou d'uneproblématique structurante. La difficulté sémantiquemanifeste ici, comme ailleurs, la difficulté à construiredes objets : communication d'entreprise ? des entreprises ? dans les entreprises ? Communication des organisations ? dans les organisations ? Communications organisationnelles ?. La communication des organisations ne définit pas non plus un champ scientifique ou un programmede recherches puisqu'elle désigne pour de nombreux auteursun ensemble de pratiques opératoires professionnelles.La revue Humanisme et Entreprise, éditée àpartir de la fin des années 1960 par le Centre d'ÉtudesLittéraires Supérieures Appliquées (Sorbonne), est jugée ici incontournable pour comprendre la communicationd'entreprise jusqu'en 1985. Son analyse est l'occasion d'un parcourstout à fait intéressant, depuis les débatssur la légitime professionnalisation des étudeslittéraires, jusqu'aux théorisations plus fortes des pratiques professionnelles (années 1990) par les recherchesuniversitaires qui construisent leur champ autour d'une mise àdistance des pratiques opératoires et des modèlesprofessionnels reproductibles. L'auteur estime finalement que, par la prise en compte d'un nouvel objet, l'organisation, «on est désormais en présence d'un processus de fondationde la communication des organisations, à la fois du côtédes pratiques scientifiques marquées par des formes decoopération complexes, floues et ouvertes entre acteurséconomiques et chercheurs, et du côté desthéorisations ».
Au final, un ouvrage ambitieux dans le projet qui l'inspire etqu'il vise à structurer, et modeste dans ses prétentionsimmédiates, comme dans sa foisonnante écriture.S'il intéresse évidemment l'ensemble des chercheurset des professionnels de l'information et de la communication, son ambition est au delà, dans la formulation d'un programmede recherches sur l'émergence des disciplines qui dépassecertainement les sic et concerne des sciences humaines et socialesdans leur ensemble. Modeste car il indique des pistes et des directionsd'investigation visant plutôt à ouvrir le champ ainsilabouré à de jeunes chercheurs, vocations qui sontmanifestement ardemment souhaitées par les auteurs.
©Sciences de la Société n° 57 - octobre 2002