Notes
de lecture du numéro 69 - octobre 2006
Valentina MARINESCU,
Silvia BRANEA, Jurnalistii
romani si provocarile pietei informationale europene [trad.
Les journalistes roumains et les provocations du marché
informationnel européen], Bucarest, Niculescu, 2006,
204 p.
Marian PETCU (coord.), Cenzura
in spatiul cultural romanesc [trad. La censure dans l'espace
culturel roumain], Bucarest, Comunicare.ro, 2005, 430 p.
Viorica Aura PAUNAS, Comunicare
si resurse umane [trad. Communication et ressources humaines],
Iasi, Polirom, 2006, 308 p.
Michel VILETTE, Sociologie du
conseil en management, Éditions La Découverte,
Repères, n° 368, 2003, 121 p.
Valentina MARINESCU, Silvia BRANEA, Jurnalistii romani si provocarile pietei informationale europene [trad. Les journalistes roumains et les provocations du marché informationnel européen], Bucarest, Niculescu, 2006, 204 p.
Recension par Alina ROMASCU, étudiante en master 2 Recherche « Esthétique, communication audiovisuelle et médias », Université Toulouse-Le Mirail (n° 69, octobre 2006)
L'ouvrage aborde la pratique journalistique en Roumanie tant d'un point de vue sociologique que d'un point de vue communicationnel. Les auteurs s'efforcent à offrir une perspective éclairante du phénomène de maturation de la presse roumaine et tâchent d'identifier les facteurs qui ont contribué d'une manière positive ou négative à la construction de la spécificité identitaire des journalistes roumains aussi bien sur le plan national que sur le plan international. Pour atteindre cet objectif, la méthode d'analyse mise en uvre par les auteurs porte surtout sur le journaliste en tant qu'individu, sur son rôle dans le cadre de « l'organisation média » vue comme un ensemble de pratiques et routines. Par la suite les auteurs identifient et délimitent le statut, les valeurs et les relations des journalistes avec l'environnement externe à la profession, mais aussi les modalités dans lesquels les journalistes roumains vont « s'insérer » dans leur profession. Cette approche permet in fine aux auteurs de réaliser une comparaison entre les journalistes roumains et les journalistes des autres pays et tout particulièrement des pays de l'Union européenne.
Une première partie de l'ouvrage intitulée « Les médias en Roumanie en 2004 » aborde les caractéristiques structurales du système des médias roumaines essayant de montrer comment a pris contour le paysage de la presse écrite, audiovisuelle et on line en Roumanie au début des années 2000. Les problèmes que les auteurs mettent en évidence dans cette première partie de l'ouvrage portent sur les normes et les réglementations qui ont marqué ces dernières quinze années la presse roumaine et qui ont eu une influence manifeste sur la typologie des publications et les catégories de lecteurs.
Dans une deuxième partie, le « cadre conceptuel » indique les principales catégories de la sociologie du journalisme, catégories qui permettent de concevoir le journaliste comme l'élément essentiel du triangle média /acteurs-politiques/ public et qui orientent l'étude sociologique sur « la médiation » des messages et de la « construction » de la réalité dans l'analyse des pratiques journalistiques.
Dans un deuxième temps l'ouvrage aborde le rôle et le fonctionnement des journalistes dans « l'organisation média ». Les auteurs montrent que le travail de journaliste est le plus souvent le résultat d'une négociation conflictuelle dans la mesure où le journaliste ne peut pas agir tout seul, mais uniquement comme membre d'une organisation entendue dans son ensemble y compris dans sa composante bureaucratique. Dans ce cadre organisationnel les objectifs journalistiques sont la plupart du temps ceux de la réalisation des produits médiatiques qui répondent aux attentes du public.
Enfin, dans un troisième temps, les
auteurs tentent de répondre à la question de
la nécessité d'un fondement empirique pour la compréhension
de la spécificité du corps professionnel journalistique
roumain. A cet effet, ils fournissent les éléments
et les résultats d'une démarche inductive. Ils mettent
ainsi en évidence un certain nombre d'aspects fondamentaux
portant sur les opinions des journalistes, opinions qui font référence
aux significations, aux directions et aux modalités pratiques
d'intégration du système média roumain dans
la Communauté européenne.
©
Sciences de la Société n° 69 - octobre 2006
Marian PETCU (coord.), Cenzura in spatiul cultural romanesc [trad. La censure dans l'espace culturel roumain], Bucarest, Comunicare.ro, 2005, 430 p.
Recension par Alina ROMASCU, étudiante en master 2 Recherche « Esthétique, communication audiovisuelle et médias », Université Toulouse-Le Mirail (n° 69, octobre 2006)
L'ouvrage rassemble le travail de quatorze
chercheurs qui met en exergue les diverses facettes de la censure
dans plusieurs périodes et dans plusieurs régions
historiques de la Roumanie. Chacun des auteurs approche la problématique
de la censure en accord avec son intérêt scientifique
et aussi en fonction de l'accessibilité aux documents.
La plupart des articles ont comme fondement des sources documentaires
qui provient des archives civile et militaires de Bucarest, Vienne,
Moscou, Chisinau, Odessa, etc.
Marian Petcu coordinateur de l'ouvrage apporte deux contributions
remarquables par la richesse des sources citées sur la
censure - entendue comme « l'acte d'une entité politique,
religieuse, militaire ou administrative qui conditionne l'expression,
la diffusion d'une information, d'un opinion, d'un idée
» -, mais aussi par l'étendue historique de l'analyse.
Il montre comment à partir des premiers formes de censure
crées par l'église en (1560-1580) et jusqu'en 1989
quand le régime communiste a été supprimé,
le peuple roumain a connu toute au longue de l'histoire un système
de censure qui n'a pas cesse de mettre ses marques sur la presse
mais aussi sur toutes les autres formes de communication publique.
Maria Danilov aborde le sujet de la censure en Basarabia (ancienne province de Roumanie faisant partie actuellement de République de Moldavie). La censure connaît ici deux aspects, un aspect religieux et un aspect civil. En ce qui concerne l'aspect civil la censure a connu des formes particulières surtout sur les bibliothèques, le théâtre et la presse. Mircea Pop présente certains aspects de la censure en Transylvanie. La censure en Transylvanie a connu le plus grand développement sous l'occupation austro-hongroise. Dans cette période toutes les typographies en Transylvanie étaient dirigées par des étrangers, ce qui a eu comme conséquence le fait qu'aucun livre roumain ne pouvait être publie dans cette région de la Roumanie. La censure s'est imposée aussi sur la circulation et la transmission des livres et des journaux dans la langue roumaine. Aurelia Lapusan aborde la censure de la presse en Dobrogea dans la période communiste et les influences qu'elle a eu sur la presse. Le but de la presse communiste en Dobrogea et aussi dans tout le pays était la propagande communiste. Nombreuses publications dans les bibliothèques et dans d'autres institutions qui détenaient des livres considérés comme ayant un caractère antidémocratique et anticommuniste étaient interdites au public. Ion Zainea s'intéresse au rôle que la Direction générale pour la presse et la typographie (DGPT) Oradea a eu dans le contrôle des publications. Dans ses onze ans d'activité le DGPT Oradea a eu comme mission la surveillance de la presse et de tout autre publication d'information qui pouvait mettre dans une lumière non favorable la politique du parti communiste ou de l'état socialiste. Hary Kuller présente trois moments de la censure de l'écriture juive en Roumanie. Les régimes totalitaires en Roumanie ont censuré souvent les publications périodiques juives et tout particulièrement ont mis en place dans les années 1940 une sévère censure qui a tenté de supprimer complètement l'écriture juive. Ilie Rad s'attache aux aspects de la censure littéraire en Roumaine et souligne que la chute du régime communiste qui a conduit à la suppression de la censure a offert l'occasion à certains auteurs - Marin Sorescu, Adrian Paunescu, Mircea Zaciu - de publier leur uvres interdites par la censure du régime communiste. Ana-Maria Plamadeala présente la censure de l'art dans la République Soviétique de Moldavie. La censure communiste a été depuis la création de la République Soviétique Socialiste Moldavie un instrument féroce et omniprésent de la répression soviétique ayant comme but principal la mutilation de la conscience historique du peuple. Dans une telle situation l'artiste devient le prisonnier des institutions de la censure. Cseke Péter aborde le sujet de la limitation de la liberté pour la presse des minorités. La censure communiste mise en place par la dictature a utilisée comme principal moyen la terreur qui a contribué d'une manière très efficace au contrôle de la presse en général et surtout de la presse des minorités.
Dans son article sur la censure de la photographie
de la presse Gabriela Sandu montre la manière dont la censure
a frappé la photographie de presse. Ainsi, la censure de
la photographie de presse a limité la photographie à
deux thématique : d'un côté les photographies
thématiques, publiées dans la presse qui devaient
montrer que des aspects positives de la vie politique, économique
et sociale et de l'autre côté les photographies officielles
qui devaient illustrer l'activité politique du parti communiste
et de son chef. Le texte de Radut Bilbile aborde la censure militaire
et son cadre juridique. La plus importante source de droit qui
impose le recours à la censure militaire est l'état
d'urgence décrété soit pendant la guerre,
défini comme un état réel, soit comme un
état fictif, politique. Dinu-Ioan Nicula s'intéresse
à la censure cinématographique dans la presse d'entre
les deux guerres. La première censure organisée
dans la cinématographie prend forme légale en 1915
par une ordonnance du préfet de la police. La censure a
continué tout la période d'entre les deux guerres.
Elle va connaître néanmoins une période de
stagnation vers 1940. Dan-Simion Grecu analyse la censure de la
correspondance postale dans l'espace roumain. La censure de la
correspondance dont il est question ici concerne aussi bien la
correspondance civile que la correspondance militaire qui inclut
également la correspondance privée des militaires.
Enfin, Tiberiu Avramescu développe dans son article quelques
réflexions sur la censure éditoriale. La génération
des éditeurs des années 1960 a été
marquée tout à la longue de leur vie par la censure.
Il y avait deux types de censure qui fonctionnent dans cette période
: une censure officielle qui était en contact direct avec
le personnel qui travaillait dans les éditions ou dans
la presse, mais aussi un deuxième type de censure plus
forte qui était coordonnée par la Securitate.
L'ouvrage dirigé par Marian Petcu, n'est pas un ouvrage
sur la censure roumaine, mais l'ouvrage de référence
incontournable sur la censure roumaine.
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Sciences de la Société n° 69 - octobre 2006
Viorica Aura PAUNAS, Comunicare si resurse umane [trad. Communication et ressources humaines], Iasi, Polirom, 2006, 308 p.
Recension par Stefan BRATOSIN, MCF de Sciences de l'information et de la communication, LERASS-équipe CTPS, Université Toulouse 3 (n° 69, oct. 2006)
Viorica Aura Paunas propose une approche communicationnelle du management des ressources humaines en partant de l'hypothèse que les praticiens de ce domaine sont des spécialistes de la communication. D'abord, parce que la présence des spécialistes de la communication est essentielle pour le recrutement, la sélection du personnel, la négociation, la formation et l'évaluation des employeurs, le travail en équipe et la réalisation des projets. Ensuite, parce tous les éléments qui sont à la base du fonctionnement d'une organisation - étude/ planification, organisation, la direction opérationnelle/ coordination, contrôle/ évaluation, motivation, implication/ participation, négociation et résolution des conflits - sont fondées sur la communication. Enfin, parce que les manageurs accomplissent un rôle important dans la réalisation de ces actions : les études montrent que presque 70 % de leurs temps ils l'utilisent pour communiquer et que le succès managérial dépend de la qualité et de l'efficacité de leurs compétences de communication. Dans ce cadre, l'auteur défini la communication comme un processus intentionnel d'échange d'informations et de sens entre les individus, groups, niveaux organisationnels et organisations dans leur ensemble. La communication facilite - selon l'auteur - la circulation des informations pour un bon développement des mais aussi pour la réalisation des objectifs en commun. Par la communication on assure, ainsi, la connexion entre l'émetteur et le récepteur, la réciprocité de la transmission des messages mais aussi l'assurance du feedback. Par l'intermède de la communication se développent aussi les éléments psychosociaux de la cohésion d'un groupe : la cohésion des intérêts, les motivations, les attitudes, les efforts comme base pour la compréhension sociale, pour l'intégration dans le groupe, dans l'équipe. Ainsi, les trois parties de l'ouvrage sont articulées autour de trois mots clés : communication, ressources humaines et management. Plus exactement, l'ouvrage analyse le leadership comme influence dans l'organisation, les caractéristiques de la communication organisationnelle et les responsabilités managerielles liées au développement dans l'organisation des ressources humaines.
La première partie intitulée « Communication et management » interroge les diverses acceptions des termes de leadership et de management. Tout particulièrement est analysé le sens du terme de leadership utilisé en référence à la communication à l'intérieur du groupe où entre les groupes de gens. Par leadership l'auteur définit, suite à cette analyse, « la capacité d'un leader, de motiver un groupe de personnes afin de travailler ensemble pour la réalisation d'un objectif sur la base des implications personnelles fortes ». D'où, l'hypothèse que le succès d'un manageur/ leader dépend dans une grande mesure de sa capacité d'articuler dans son activité les diverses fonctions de la communication organisationnelle. Aussi, en questionnant les styles de leadership et les types d'influences l'auteur démontre encore une fois le rôle majeur des « interrelations » comme dimension communicationnelle du management des ressources humaines, surtout dans les conditions de l'augmentation de ce rôle managérial dans la société contemporaine.
Dans une deuxième partie intitulée
« Communication et ressources humaines » l'auteur
porte un regard critique sur les mécanismes de la communication
interpersonnelle. Ensuite dans un chapitre sur la « Communication
organisationnelle » elle passe en revue les types de communications
organisationnelles par rapport aux diverses modalités de
contrôle de l'information dans l'organisation.
La troisième partie, « Communication et management
des ressources humaines » présente dans les
deux premiers chapitres les défis de l'intégration
professionnelle mais aussi la communication et le développement
du personnel. Le dernier chapitre de cette partie aborde la question
de la négociation et de la manière de résolution
des conflits dans l'organisation. C'est l'occasion pour l'auteur
de réitérer le rôle essentiel joué
par la communication dans le recrutement et la sélection
du personnel, la négociation, la formation et l'évaluation
des employés, le travail en équipe et la réalisation
des activités sous forme de projet, c'est-à-dire
de montrer pourquoi pratiquement aucune activité de management
de l'organisation ne peut pas faire économie de la communication.
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Sciences de la Société n° 69 - octobre 2006
Michel VILETTE, Sociologie du conseil en management, Éditions La Découverte, Repères, n° 368, 2003, 121 p.
Recension par Yann BERARD, Centre de recherches sur l'action politique en Europe (CRAPE), Institut d'études politiques de Rennes (n° 69, oct. 2006)
« Un consultant est quelqu'un qui
vous emprunte votre montre pour vous dire l'heure, et qui part
avec la montre dans sa poche ».
C'est avec humour et sans langue de bois que Michel Villette aborde
le conseil en management, s'attachant à décrypter
les mécanismes et les routines d'une pratique professionnelle
sans doute aussi variée que méconnue des chercheurs
et du grand public.
Son auteur bénéficiant lui-même d'une longue
expérience de conseil, l'ouvrage se présente comme
une analyse des pratiques et non pas seulement des discours tenus
par/ sur les consultants (chap. 1). Ainsi les activités
des consultants ont souvent fait l'objet de critiques (sociales,
politiques, scientifiques, etc.). Malgré des travaux ayant
démontré leur « usure » dans les années
90, pour M. Villette ces critiques sont toujours pertinentes.
Reprochant à ces auteurs le caractère trop général
de leur analyse, et prenant acte des dernières évolutions
du capitalisme (comme l'éclatement de la bulle Internet),
l'auteur conserve toutefois une démarche identique en rappelant
que « la compréhension sociologique des activités
des consultants est une condition de la critique sociale »
(p. 17). Se réclamant d'une posture compréhensive
wébérienne, il souligne également la spécificité
d'une approche sociologique des consultants par rapport à
une approche historique, afin de mieux « comprendre comment
ils font ce qu'ils font et ce qui les pousse à agir ainsi
» (p. 28).
Aussi s'attache-t-il d'abord à définir ce qui constitue le fondement de l'activité du consultant : la relation de conseil (chap. 2). En effet, selon lui, « la relation est première. L'expertise est seconde » (p. 33). De là découle la primauté accordée au « commercial », bien que « l'art du conseil consiste à ne jamais paraître "commercial" » (p. 34). S'inspirant à nouveau de Weber, M. Villette montre alors en quoi le conseil obéit surtout à une rationalité procédurale. Rompu aux méthodes de management dans les business schools, le jeune consultant est supposé capable d'exercer son art partout. Mais l'acquisition du savoir-faire est plus exigeante, et le « vrai » consultant, autrement dit l'expert, apparaît plus rare aussi pour cette raison. M. Villette pointe également la difficulté de capitaliser du savoir et de le transmettre : absence de bureau personnel, politique du « zéro papier », etc., autant d'éléments qui rendent délicat l'apprentissage du métier de consultant. Malgré un marché fortement concurrentiel, M. Villette donne à mieux comprendre, à travers « l'impératif du chiffre d'affaires » (chap. 3), comment l'entreprise de conseil trouve pourtant à se maintenir. Il montre en particulier comment un cabinet de conseil, parce qu'il « ne vend pas seulement des prestations intellectuelles à ses clients, mais aussi des promesses de perspectives de carrière future à ses employés » (p. 66), arrive à disposer en permanence d'une main d'uvre adaptable, polyvalente et zélée. Ce faisant, l'auteur mentionne toute une série de changements qui ne sont pas sans rappeler la « cité par projets » du nouvel esprit du capitalisme.
Les stratégies commerciales des consultants sont ensuite passées au crible (chap. 4). M. Villette insiste en particulier sur la manière dont ces derniers s'attachent à rendre infalsifiable et inattaquable leurs prescriptions. Ainsi, rapporte-t-il, « un bon consultant ne donne jamais de conseils à son client » (p. 74). S'appuyant sur un manuel de mangement américain, M. Villette décrit trois modèles de conseil : la « relation d'expertise » où il s'agit d'apporter une solution à un problème, le « modèle médecin-patient » où il faut en plus diagnostiquer le problème, enfin, le « modèle de la consultation maïeutique » qui « ne vise pas à aider le client mais à l'aider à s'aider lui-même » (p. 75). Mise de côté durant les années 90 au profit de la première, cette conception du conseil resurgit dans les années 2000 (coaching).
Dans un avant-dernier chapitre, l'auteur change son fusil d'épaule pour s'intéresser au point de vue des clients (chap. 5). Après avoir pointé les raisons motivant le recours à un consultant (conflit interne, valider une décision, acceptation de choix difficiles, etc.), M. Villette énonce plusieurs conditions pour qu'une intervention soit réussie. L'ouvrage semble ici toutefois verser davantage dans le manuel de « bonne conduite » que dans l'analyse proprement sociologique. Cela dit, il renseigne le lecteur sur des pratiques mal connues, souvent marquées par le sceau du secret. L'auteur rappelle ainsi comment les « donneurs d'ordre » ont pu également mettre en place des mécanismes pour se prémunir contre certains consultants (listes rouges) ou, au contraire, s'en recommander (short listing). Non sans perspicacité, M. Villette indique alors en quoi la rationalité procédurale du consultant apparaît au final bien plus qu'une simple rhétorique dans la mesure où elle contribue à mettre en forme une réalité devenue « norme » dont il est parfois difficile pour l'entreprise de se passer (l'auteur n'en fait pas mention, mais on peut songer à l'adoption de normes iso en matière de management).
Après un dernier chapitre consacré à la restitution de deux récits de mission basés sur son expérience professionnelle (chap. 6), M. Villette conclut sur une interrogation : « Peut-on être jeune et consultant ? » Question quelque peu provocatrice au regard des pages qui précèdent, à laquelle il est répondu sans ambages : le jeune « s'oblige à y croire, parce qu'on est payé pour y faire croire » (p. 112).
Le mérite principal de cet ouvrage
est de rappeler que la recherche sur les consultants, malgré
certains travaux pionniers, demeure un chantier largement inexploré.
Esquissant pour finir quelques pistes de recherches (histoire
des grands cabinets, études ethnographiques du déroulement
des missions, etc.), l'auteur insiste sur le fait que les avancées
dans ce domaine ne pourront se faire que si les chercheurs n'en
viennent pas eux-mêmes à imiter les consultants et
à rivaliser avec eux. Paroles pleines de sagesse, mais
qui pointent une autre difficulté, de méthode cette
fois, grande absente de l'ouvrage (il est juste fait mention de
quelques manuels généraux, p. 32). En effet, si
un chercheur souhaite travailler sur les consultants dans de bonnes
conditions, encore faut-il que ceux-là acceptent également
de se résoudre, au moins partiellement et pour un temps,
à l'inutilité sociale du métier de sociologue
- ce qui, au vu des analyses qui précèdent, paraît
pour le moins douteux.
©
Sciences de la Société n° 69 - octobre 2006