Notes
de lecture du numéro 71 - mai 2007
Emmanuelle DANBLON, La fonction persuasive. Anthropologie du discours
rhétorique : origines et actualité, Paris, Armand
Colin, 2005, 218 p.
Jean-Louis MISSIKA, La fin de
la télévision, Paris, Seuil, 2006, 110 p.
Christophe DELEU, Les anonymes
à la radio. Usages, fonctions et portée de leur
parole, Bruxelles, éditions De Boeck, 2006, 231 p.
Guy LOCHARD, L'information télévisée.
Mutations professionnelles et enjeux citoyens, Paris, Vuibert-INA,
2005, 218 p.
Emmanuelle DANBLON, La fonction persuasive. Anthropologie du discours rhétorique : origines et actualité, Paris, Armand Colin, 2005, 218 p.
Recension par Valérie BONNET, MCF de Sciences de l'information et de la communication, LERASS-Université Toulouse 3
L'ouvrage propose de vérifier une
hypothèse de départ : la pensée magique demeure
au cur de la rhétorique. Dans ce dessein, son auteur, E.
Danblon, entreprend de décrire la dimension culturelle
de cette pratique, dimension souvent évoquée, mais
rarement traitée par la littérature spécialisée.
Mais la finalité de cet ouvrage est surtout de montrer
les vicissitudes de la rhétorique actuelle, que l'auteur
met en relation avec la crise de la démocratie. En effet,
née de celle-ci, la rhétorique est l'indicateur
de l'état de nos sociétés, ainsi que le démontre
cet exposé, qui développe les liens entre les institutions
sociales et les genres rhétoriques naguère établis
par Aristote. Cet ouvrage n'est donc pas un manuel, mais un essai
philosophique sur la rhétorique du siècle des totalitarismes.
Cependant, point n'est nécessaire d'être un spécialiste
de la discipline ; le propos, particulièrement didactique,
expose très clairement les principes et les fondements
de celles-ci.
Comme le souligne O. Reboul, la meilleure introduction à
la rhétorique étant son histoire, l'exposé
s'ouvre par un tableau des grandes étapes de la diachronie
de la discipline avant d'aborder dans une seconde partie les théories
de l'argumentation, variations positivistes des études
rhétoriques, et à l'origine de leur retour en grâce
après leur déclin durant le 19e siècle.
Enfin, dans une troisième partie, l'auteur affine les liens
précédemment esquissés entre société
et rhétorique et effectue un tableau descriptif de l'avatar
de cette dernière dans un siècle qu'elle qualifie
de désenchanté. C'est par un angle de description
original qu'E. Danblon aborde une réflexion qui parcourt
les études actuelles sur le politique : la fin des idéologies.
Tout d'abord, les bornes temporelles traditionnellement posées
dans la littérature spécialisée, i. e. de
la Grèce Antique aux études argumentatives du 20e
siècle, sont déplacées tant en amont qu'en
aval, puisque l'auteur campe les grands traits de l'archéologie
de la pratique pour déboucher sur la rhétorique
de la seconde moitié du 20e siècle.
D'autre part, E. Danblon n'aborde pas la rhétorique par
l'entrée de l'argumentation, comme il est de coutume depuis
Perelman et la refondation de la rhétorique au milieu du
20e siècle, mais par celle de la persuasion. Ce choix épistémologique,
inusité, oriente la démonstration vers une analyse
de l'action de l'homme sur le monde social. En effet, la persuasion
suppose que l'agir sur le monde ne passe plus par la puissance
divine, dont la parole humaine n'est que le truchement, mais par
la capacité humaine à utiliser le langage. En d'autres
termes, l'autorité n'est plus immanente, mais conventionnelle.
Cependant, selon l'auteur, la dissociation des individus et des
rôles, indispensable à la raison rhétorique,
est rendue impossible par la définition de l'humanité
qu'adoptera le 20e siècle, remplaçant la conception
totus des Lumières par une conception omnis, apparue avec
la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. En choisissant
d'approcher la rhétorique par ce qu'elle appelle la fonction
persuasive, E. Danblon fait également le choix d'explorer
les rapports de l'homme au discours, et donc au signe. En s'appuyant
sur la sémiotique percienne, elle montre que la laïcisation
du monde, mouvement fondateur de la rhétorique est indissociable
d'une réflexion sur les mécanismes et les champs
d'action du langage, i. e., l'intellection et l'émotion.
La littérature spécialisée a amplement montré
que dès la fondation de la discipline, cette bipolarité
a été source de tensions. La contribution de l'auteur
à cette position est la démonstration que le pouvoir
inhérent à la compétence discursive suppose
une activité tout autant qu'une démarche réflexive
quant à cette activité, et ceci tant au plan de
la rationalité pratique que celui de la responsabilité
humaine. C'est au nom de l'une ou de l'autre que la validité
ou la persuasion ont été alternativement dévalorisées
au cours de l'histoire de l'humanité, positions antagonistes
que les théories scientifiques de l'argumentation contemporaines
tenteront de réduire par un travail de description des
articulations entre raisonnement et persuasion. E. Danblon avance
que la rhétorique de la cité désenchantée
remplace cet équilibre par un balancement, laissant émerger
de manière concomitante la pensée laïque et/ou
la pensée magique, la critique rationnelle ou l'évidence
des certitudes, la peur de la manipulation et celle de la violence
Cette coexistence crée des télescopages et des hybridités,
des indifférenciations et des confusions. Il semble que
le travail de structuration du système rhétorique
(auditoires, arguments, genres, etc.) et de construction de la
notion de représentation, à l'origine de la rhétorique,
soit mis à bas par les sociétés contemporaines.
Telle est la démonstration d'un ouvrage qui, malgré
quelques faiblesses d'exposition, une conception un peu sommaire
des Lumières, l'utilisation de notions qui nécessiteraient
une définition précise (comme la notion d'identité),
offre un propos stimulant, des remarques pertinentes, des pistes
de réflexions intéressantes, un point de vue original.
Bien plus, il ne constitue pas seulement une description clairvoyante
des fondements de l'air du temps, c'est également un ouvrage
éthique qui rappelle, de manière sous-jacente, la
responsabilité de l'homme dans la construction du monde.
Actualité de la pensée aristotélicienne,
est-on tenté de dire, mais il convient de ne pas négliger
la réflexion de l'auteur, et le travail convaincant d'actualisation
de celle-ci.
©
Sciences de la Société n° 71 - mai 2007
Jean-Louis MISSIKA, La fin de la télévision, Paris, Seuil, 2006, 110 p.
Recension
par Nikos SMYRNAIOS, Docteur
en Sciences de l'information et de la communication, LERASS-Université
Toulouse 3
La disparition annoncée par Jean-Louis Missika n'est pas
celle de la technique audiovisuelle ni de ses programmes mais
plutôt celle de télévision en tant que média
central des sociétés modernes, « outil
de focalisation » rassemblant synchroniquement des
millions de téléspectateurs devant leurs écrans.
Le co-auteur, avec Dominique Wolton, de La folle du logis, s'efforce
de démontrer que le modèle dominant de la télévision
hertzienne de masse arrive progressivement à son terme.
La démonstration commence, en reprenant en partie la distinction
de Umberto Eco dans La Guerre du faux, par une exposition des
trois ages de la télévision et des caractéristiques
qui leur sont propres. La paléo-télévision
des années 60 et 70 est un média de pénurie :
à cause de la rareté des fréquences c'est
l'offre qui commande la demande. La relation de domination que
la paléo-télévision entretient avec ses publics
renforce la parole légitime, celle de l'Etat. Les messages
d'autorité et les discours conservateurs qu'elle véhicule
sont en décalage avec les préoccupations de la société,
et cette tension éclatera au grand jour lors de événements
de mai 68. En même temps, la paléo-télévision
est le média de la culture pour tous où une représentation
des Perses d'Eschyle est diffusée à une heure de
grande écoute. Dans les années 80, avec la libéralisation
du système médiatique français et l'apparition
des chaînes privées, le caractère pédagogique
et normatif du message audiovisuel disparaît progressivement
au profit d'un registre convivial, intimiste qui fonde la néo-télévision.
Les genres emblématiques de cette période, que sont
le talk-show et le reality show, mettent en place une certaine
complicité entre l'émetteur et le récepteur :
la légitimité de la parole ne se construit plus
à partir de l'expertise mais à partir du vécu,
de l'expérience et de l'émotion personnelle, et
cette transformation, selon l'auteur, ne fait que refléter
l'hostilité grandissante de la société envers
les discours des élites. Néanmoins, cette connivence
entre le média et son public est factice, simulée.
La relation de domination est maintenue, mais elle devient ambivalente,
puisque le dominé dispose d'une marge d'action et que le
dominant doit penser aux états d'âme du dominé.
L'avènement de la post-télévision reflète
une mutation sociétale profonde. L'accomplissement et l'expression
de soi se muent en droits inaliénables et la post-télévision
offre le support de cet épanouissement personnel en proposant
des émissions adaptées. Le registre devient autoréférentiel,
puisque le seul fait de « passer à la télé
» transforme le statut du participant et suscite la fascination
du téléspectateur. Tout le dispositif de la téléréalité,
genre emblématique de la post-télévision,
est conçu pour gommer la distinction entre l'émetteur
et le récepteur, celui qui parle et celui qui écoute.
Cependant, et même si en apparence la domination de la télévision
de masse incarnée par les grandes chaînes généralistes
semble perdurer, des signes de déclin sont d'ores et déjà
visibles. La deuxième partie du livre entreprend le décodage
de ces signes. La première tendance observable est celle
de la démediation, entendue comme la dégradation
d'un côté du pouvoir d'attraction des chaînes
généralistes envers le grand public et, de l'autre,
celle du pouvoir de négociation de ces mêmes chaînes
face aux détenteurs des programmes. La deuxième
tendance est celle de l'hyperfragmentation, c'est-à-dire
de la sous-segmentation par âge, par sexe ou par thèmes
des chaînes déjà spécialisées.
C'est ainsi que parmi les chaînes d'information nous trouvons
aujourd'hui des chaînes exclusivement consacrées
à l'information économique ou internationale. La
troisième tendance est celle du bouleversement temporel.
D'une part le circuit de diffusion des films s'allonge considérablement
avec l'ajout successif des diffusions multiples (adsl, Pay per
view, kiosque, chaînes premium). D'autre part, l'apparition
de la Video on demand (vod) transfère la fonction d'agencement,
qui jusqu'alors appartenait aux programmateurs des chaînes,
aux téléspectateurs en leur donnant plein pouvoir
sur l'emploi du temps. La cinquième tendance est celle
de la perte d'autonomie de la télévision en tant
que secteur économique à part entière en
raison des évolutions technologiques récentes. L'émergence
des nouveaux opérateurs en provenance du secteur de l'internet
et de télécommunication et les nouveaux modes de
consommation qui se développent font que la télévision,
comprise dans un « paquet global » comprenant
une multitude de services, devient une commodité « packagée »,
interchangeable. Parallèlement, la réallocation
progressive des budgets publicitaires vers l'internet et les services
marketing, impute d'autant le budget des chaînes généralistes.
Enfin, la dernière tendance de la post-télévision
mise en avant par Jean-Louis Missika est la déprofessionnalisation
progressive qui voit de plus en plus d'images produites par des
amateurs prendre une importance grandissante auprès du
grand public.
La dernière partie du livre est consacrée à
la description de ce que l'auteur appelle « la désintégration
de l'espace public » et de sa composante télévisuelle.
Cette évolution est caractérisée par trois
tendances, la première étant celle de la montée
en puissance de l'information de divertissement. Si cette caractéristique
date de l'apparition de la presse populaire au milieu du xixe
siècle, la nouveauté tient à la transgression
délibérée des frontières entre divertissement
et citoyenneté. Le symptôme le plus évident
est la présence croissante des hommes et femmes politiques
dans des émissions people à la recherche de notoriété
et d'espaces d'expression. La deuxième tendance est la
focalisation sur les coulisses, sur l'arrière-scène
des événements. À cause de leur aspiration
à la transparence totale, les médias sont amenés
à une couverture cynique de l'actualité politique
dans laquelle l'analyse des stratégies de communication
et du marketing politique tient lieu de critique et remplace les
interrogations sur les aspects proprement politiques des événements.
Enfin, la troisième tendance est l'importance grandissante
accordée à l'angle sociétal, compassionnel
et intimiste dans le traitement des informations. Celui-ci vise
à mettre en avant des programmes qui suscitent le moins
d'objections possible et qui construisent des « controverses
légitimes », ritualisées et cadrées.
L'ensemble de ces traits de la post-télévision conduit
à l'émergence d'un espace public fragmenté
qui ne remplit plus sa mission d'espace de confrontation synchronisée
des opinions. Chaque groupe social, chaque camp politique semble
vivre dans un monde séparé avec son propre réseau
d'information. Le jugement porté sur cet « espace
public bavard » et désynchronisé est
sévère et teinté d'une certaine nostalgie
de la « veille télé ». Du
coup, l'auteur semble ignorer le formidable potentiel de diversité
que les nouveaux canaux de diffusion offrent aux publics, notamment
sur l'internet.
©
Sciences de la Société n° 71 - mai 2007
Christophe DELEU, Les anonymes à la radio. Usages, fonctions et portée de leur parole, Bruxelles, éditions De Boeck, 2006, 231 p.
Recension par Alina ROMASCU, étudiante en master 2 Recherche "Esthétique, communication audiovisuelle et médias", Université Toulouse-Le Mirail
Docteur en sciences politiques, Christophe
Deleu, l'auteur de l'ouvrage « Les anonymes à
la radio » est maître de conférences en
sciences de l'information et de la communication à l'Université
Robert Schuman de Strasbourg. Il reprend dans ce livre publié
aux éditions De Boeck les grades lignes de sa thèse
qui a été récompensé par une mention
dans le cadre du prix de la Recherche de l'Inathèque en
2003.
Ainsi, l'ouvrage se compose de quatre parties, chacune se répartissant
en deux à quatre chapitres. Dans la première partie
l'auteur retrace les grands traits de l'histoire de la parole
radiophonique et il définit le statut de l'auditeur. En
ce sens trois phénomènes marquent les débuts
de l'histoire de la radio : l'importance des innovations
techniques, l'intérêt du pouvoir militaire et politique
pour la radio et la coexistence rapide d'un secteur privé
et d'un secteur public. Les premières participations d'auditeurs
à la radio, en France, datent de 1927 (les jeux, sur Paris
ptt) et de 1936 (les « radios crochets »
sur Radio Luxembourg). Dans ces cas la participation d'auditeurs
était limitée aux émissions de divertissements,
offrant la chance à des jeunes talents inconnus, comme
par exemple des jeunes chanteurs d'être invités et
de participer pour la première fois à des émissions
de radio. Après la deuxième Guerre mondiale l'auditeur
est sollicité par des animateurs de radio pour participer
aux émissions diffusées à l'antenne. Grâce
à l'apparition des nouveaux appareils d'enregistrement
Europe 1 met en place en 1964 une nouvelle forme de participation
de l'auditeur qui permet aux reporteurs d'interroger les gens
de la rue. Donner la parole aux anonymes dans les émissions
de radio a été la plupart du temps un « instrument »
utilisée à des fins d'audience. Cela dit, la radio
ne donne la parole aux gens que rarement et alors avec beaucoup
de précautions. En général elle privilégie,
comme les autres médias, les « professionnels »
de la parole : journalistes et animateurs, ainsi qu'une série
de responsables habitués à prendre la parole en
public.
Après avoir distingué les principales étapes
historiques de la parole des anonymes à la radio, l'auteur
analyse dans les trois autres parties de son livre, les dispositifs
radiophoniques d'octroi de la parole, dispositifs correspondant
à trois types de paroles. Ainsi la deuxième partie
de l'ouvrage porte sur « la parole forum ». Ce dispositif
permet à l'auditeur de poser des questions à une
personnalité, à un spécialiste ou à
un représentant d'un parti ou d'une association invité
dans une émission de radio ou à un journaliste,
mais aussi d'intervenir pour donner en direct son avis sur divers
thèmes. Le deuxième chapitre de cette partie porte
sur l'analyse de trois émissions de type forum : Radio
Com c'est vous, Les Auditeurs ont la parole et l'émission
de Christophe Dechavanne. Dans le dispositif radiophonique de
type forum la position de celui qui donne la parole est primordiale.
A Radio Com, c'est vous, qui est une émission de France
Inter, le journaliste a un rôle d'intermédiaire qui
assure le passage du tour de parole entre l'invité et l'auditeur.
Une deuxième émission analysé par l'auteur
est Les Auditeurs ont la parole, diffusé par rtl. Cette
émission est davantage personnalisée que Radio Com,
c'est vous, le journaliste est « omniprésent
à l'antenne, il maîtrise l'émission grâce
à une stratégie de prise de parole, il fixe le tempo
de l'émission », il oriente également
le sommaire de l'émission. Une dernière émission
analysée ici est celle de Christophe Dechavanne qui se
différencie de deux autres émissions précédentes
par le fait que celui qui donne la parole a le rôle d'animateur,
les thèmes abordés sont inspirés de la vie
quotidienne des auditeurs. L'auteur montre comment les fonctions
de celui qui donne la parole à la radio change d'une émission
à l'autre.
Un autre type de parole analysé par l'auteur dans une troisième
partie du livre porte sur « la parole divan ». Ce
dispositif permet à l'auditeur de rentrer en contact par
téléphone avec un psychologue qui est présent
à l'antenne. Selon Christophe Deleu, le développement
des émissions divan a comme origine la volonté de
nombreux auditeurs de se confier aux médias. Plusieurs
critiques ont été faits autour de ce type d'émission.
Un premier type de critiques sont d'ordre médical qui met
en cause les vertus thérapeutiques des médias. D'autres
types de critiques sont d'ordre éthique, les organisateurs
des émissions divan étant accusés de voyeurisme.
Un autre type de critiques est d'ordre social, les émissions
divan sont accusées de briser la frontière entre
le public et le privé. Les polémiques centrées
sur la place de l'auditeur-téléspectateur sont aussi
très souvent présentées dans les émissions
de type divan. Deux autres émissions, Lovin'Fun et Allô
Macha, font l'objet d'analyses portant sur ce dispositif radiophonique.
Dans la dernière partie Christophe Deleu fait une analyse
de « la parole documentaire ». Elle est
présentée, la plupart du temps sous la forme d'une
interview montée où le journaliste ou l'animateur
donne la parole à des personnes qui racontent des expériences.
Le documentaire constitue une vraie exception parmi les émissions
radiophoniques. Ce type de parole est diffusé par le service
public et quelques radios associatives. L'utilisation des émissions
documentaires par les radios privées est moindre ou presque
inexistante dans le cas de radios comme Europe 1 ou rtl à
cause du coût élevé de ces émissions.
Une autre raison qui peut expliquer l'absence des documentaires
à la radio est que la radio est perçu par une grande
majorité comme un média « d'accompagnement »,
tandis que l'écoute d'un documentaire suppose une plus
grande attention. Un dernier chapitre de la quatrième partie
porte sur l'analyse de trois émissions documentaires :
Là bas si j'y suis, Les Nuits magnétiques/ Atelier
de création radiophonique, Parcours de femmes. L'analyse
de ces émissions s'attache à mettre en exergue le
statut de celui qui donne la parole, le statut de celui à
qui on donne la parole et sur la représentation de l'auditoire.
En conclusion l'auteur affirme que pour les médias l'équilibre
« dans le don de la parole, entre la volonté
de remplir une fonction sociale et celle de divertir le public »
est souvent frappé de précarité.
©
Sciences de la Société n° 71 - mai 2007
Guy LOCHARD, L'information télévisée. Mutations professionnelles et enjeux citoyens, Paris, Vuibert-INA, 2005, 218 p.
Recension par Valérie BONNET, MCF de Sciences de l'information et de la communication, LERASS-Université Toulouse 3
Avec L'information télévisée,
Guy Lochard nous livre une réactualisation de Apprendre
l'information télévisée (1989, Paris, Retz-Clemi).
Le sous-titre, Mutations professionnelles et enjeux citoyens,
explicite la programmatique de l'ouvrage, plus manifeste dans
le titre de la précédente version, tout en l'infléchissant
dans une direction diachronique. Ainsi, l'auteur se propose de
définir l'évolution de la notion d'information télévisée,
mais aussi de procurer un guide de lecture de celle-ci. Cet ouvrage,
qui avance une vocation pédagogique, ainsi que l'indique
le soutien du Clemi, se fixe pour objectif de « développer
des compétences critiques de l'audiovisuel informatif chez
les divers publics d'apprenants » (p. 8), et de servir
d'interface entre le monde de la recherche et celui des enseignants
du second degré ou des étudiants. Dans ce dessein
sont proposées des méthodes d'analyse, mais aussi
des ressources tant indirectes (sélection bibliographique
en fin de chaque chapitre) que directes (sites Internet ou supports
audiovisuels et multimédias). Il convient de souligner
le souci de fonctionnalité pratique de l'auteur, tant dans
la présentation matérielle de ces ressources (celles-ci
sont réparties, en fin de chapitre ou en bibliographie
générale et thématique en fin d'ouvrage)
que dans le choix de celles-ci, qui répondent toutes à
un double critère d'accessibilité matérielle
(aucune n'est épuisée) et techniques (toutes sont
francophones).
Cependant, on peut regretter que malgré la volonté
affichée, cette dimension didactique ne soit, au final,
que secondaire (deuxième partie, chapitre 2, qui trouve
d'ailleurs mal sa place au sein de la progression), tout dans
moins dans les propositions de mise en uvre.
Car, en ce qui concerne l'aspect encyclopédique, cet ouvrage
atteint remarquablement son objectif. En effet, G. Lochard met
à la disposition du lecteur l'essentiel de la recherche
de ces 25 dernières années en matière d'information
audiovisuelle avec une particulière pédagogie et
dans un souci d'exhaustivité fort appréciable. De
même, le titrage des parties et sous parties est particulièrement
éclairant pour une lecture indexée, tout comme le
sont les définitions des notions essentielles ou les renvois.
La démarche adoptée présente également
l'intérêt de faire dialoguer l'histoire du genre
avec les analyses critiques, soulignant les homologies entre les
différents médias ou les différentes périodes,
comme elle met au jour les liens d'interdépendance à
l'oeuvre au sein du système d'information. Sont ainsi dégagés,
par la voie de la diachronie, les grands paradigmes de l'information
audiovisuelle, dont les lieux de pertinences varient au gré
de l'angle de vue adopté. Car si l'auteur pratique avant
tout l'analyse sémiodiscursive, il n'a pas limité
son panorama à cette seule méthodologie, et aborde
dans cet excursus les aspects narratologique, linguistique, sociologique,
politologique, culturel
L'ouvrage, organisé en trois parties encadrées d'une
introduction programmatique et d'une conclusion épistémologique,
suit une progression qui montre de manière sous-jacente
la problématique adoptée, i.e. la mise en évidence
les visages et les virages de la télévision mondiale
(bien qu'en raison de son projet, il soit essentiellement centré
sur la télévision française). En effet, après
une première partie analytique qui décrit le programme-phare
en matière d'information médiatique, i. e., le journal
télévisé, est effectuée une approche
synthétique du magazine, genre proche, mais moins central
en matière d'information télévisuelle dans
l'imaginaire, avant que ne soient explorées les évolutions
récentes, posant de manière sous-jacente la question
de la prospective.
Ainsi, l'introduction pose le projet de l'ouvrage : donner
aux enseignants des modes d'intervention dans cet espace de médiation
qu'est l'information. Le substrat théorique de la co-construction
du sens alimente un plaidoyer en faveur d'une éducation
aux médias, indispensable dans un monde où la télévision
occupe une place centrale. Ces positions personnelles seront abandonnées
dans le corps de l'ouvrage, dont le but poursuivi est la description
des « mécanismes et transformation »
(p. 9) de la télévision au regard des études
de ces 25 dernière années, qui ont vu le renforcement
du champ, pour n'être reprises qu'en conclusion.
La première partie, organisée en quatre chapitres
sonde le journal télévisé en traitant de
l'actualité sous l'angle de la notion de contrat de communication.
L'économie du genre est ainsi exposée, puis passée
au crible de l'analyse critique, tant dans une approche descriptive
que comparative. Partie sous-tendue par les deux aspects de l'information
médiatique énoncés par P. Charaudeau, i.
e., le principe de séduction et le principe de crédibilité,
elle s'achève sur deux des manifestations de cette bipolarité
: le studio et le terrain.
La seconde partie évoque ce genre connexe qu'est le magazine,
qu'il s'agisse des reportages ou des émissions de plateau,
pour déboucher sur le traitement du sport sur les antennes
télévisuelles. Le caractère composite de
l'objet conduit tout naturellement à un traitement synthétique
de celui-ci, approche qui permet la mise en évidence des
points d'infléchissements de la diachronie télévisuelle
au moyen d'une analyse du dispositif.
La troisième partie explore l'aspect politique et social
de l'information télévisuelle, les interrelations
entre les imaginaires collectifs et les instances de production,
par une traversée des différents niveaux de couverture
des médias. Cette couverture, en rapport direct avec la
reconfiguration des identités, se double d'une modification
de l'appréhension de la distance, liée à
l'acception actuelle de la proximité, qui ne signifie plus
tant « contiguïté » que «
continuité ». Cette nouvelle intellection de l'espace
induit une redéfinition de la temporalité médiatique,
générée par les grands évènements
politiques, qui, au tournant du millénaire, ont pris une
valeur d'exemplarité dans le champ des sciences de l'information
et de la communication (La guerre du golfe, la guerre en Irak,
le 11 septembre).
La conclusion tente de dépasser les oppositions entre les
approches compréhensive et critique de la télévision,
posant la question du rôle du chercheur en audiovisuel dans
la formation du citoyen.
Ce sont donc toutes les ambiguïtés et les hybridités
de la télévision au plan géographiques, politique,
médiologique, génériques qui sont sondées
dans cet ouvrage, qui, s'il ne parvient pas à trouver totalement
son public (i. e. les enseignants), n'en demeure pas moins un
excellent ouvrage de vulgarisation ou d'initiation aux études
télévisuelles, précieux pour des étudiants
débutants en sciences de l'information et de la communication
ou même en sciences humaines et sociales.
©
Sciences de la Société n° 71 - mai 2007