Notes
de lecture du numéro 62 -
mai 2004
CONSOMMATION
ENGAGÉE
Liz COHEN, A
consumers' republic. The politics of mass consumption in postwar
America, New-York, Alfred A. Knopf,
2003, 567 p.
Matthew HILTON, Consumerism in twentieth-century Britain:
The search for a historical movement, Cambridge, Cambridge
University Press, 2003, 382 p.
Michele MICHELETTI, Political Virtue and Shopping: Individuals,
Consumerism, and Collective Action, Palgrave, Macmillan, 2003.
Michele MICHELETTI, Andreas FOLLESDAL, Dietlind STOLLE, dir.,
Politics, products, and markets, New Brunswick, Transaction
Publishers, 2003.
Anne SALMON, Ethique et ordre économique. Une
entreprise de séduction, Paris, CNRS Éditions,
2002, 203 p.
INFORMATION-COMMUNICATION
Constantin SALAVASTRU, Teoria si practica argumentarii (Théorie
et pratique de l'argumentation), Iasi/ Bucarest, Polirom, 2003,
416 p.
Constantin SALAVASTRU, Teoria si practica argumentarii (Théorie et pratique de l'argumentation), Iasi/ Bucarest, Polirom, 2003, 416 p.
Recension par Stefan BRATOSIN, MCF de Sciences de l'information et de la communication, LERASS, Université Paul Sabatier-Toulouse 3 (n° 62, mai 2004)
Le dernier ouvrage de Constantin Salavastru explicite les principes qui organisent les rapports entre les principales théories et techniques courantes de l'argumentation. L'objectif poursuivi par l'auteur tout au long des sept parties, est de mettre en évidence la pertinence de l'applicabilité de ces principes dans les divers usages discursifs. Dans cette optique, le discours est considéré comme une construction triadique comprenant l'ordre des signes, l'ordre des idées et l'ordre de l'expressivité.
En tant que pratique logico-linguistique, l'argumentation est définie, dans la première partie, comme une relation non réflexive et non symétrique, mais transitive entre un locuteur qui formule et propose une thèse et un (inter)locuteur auquel s'adresse la formulation de cette thèse. L'analyse de cette relation permet de distinguer notamment entre les argumentations réelles et les argumentations apparentes, les argumentations polémiques et les argumentations oratoriques, les argumentations directes et les argumentations médiates. Pour parvenir à cette distinction, le langage naturel fournit deux types d'indices opérationnels : les « indices de la juxtaposition des arguments » et les « indices de la fondation de l'argumentation ».
Le problème de la structure logique de l'argumentation est approché, dans la seconde partie, par un développement du modèle analytique du syllogisme rhétorique. Ce développement a pour point de départ une triple critique du paradigme analytique de Stephen Toulmin. Difficilement applicable dans la pratique, ce modèle accumule également les inconvénients d'être essentiellement descriptif et ambigu quant à la fonctionnalité de ses composants structuraux. Ensuite, puisque ce modèle relève moins de la pratique argumentative et davantage d'une construction dont le fondement est de nature épistémologique, l'auteur propose une extension permettant de rendre compte de la « force productrice » de l'argumentation.
La troisième partie de l'ouvrage est consacrée au « Contenu de l'argumentation ». D'une part, il est question de la proposition argumentative, c'est-à-dire du « jugement pour lequel est établie la valeur de vérité interindividuelle grâce à un rapport entre le contenu de pensée et la réalité qu'il exprime ». C'est-à-dire, la proposition comme finalité de l'argumentation suit la possibilité de l'argumentation issue de l'utilisation des énoncés et de la réalité de l'argumentation qui repose à un moment donné sur des jugements. D'autre part, il s'agit de saisir la fonctionnalité des arguments et de proposer une typologie des arguments. Pour cela deux perspectives sont prises en compte : « la perspective de la valeur de la vérité » et « la perspective de la réalité à laquelle fait référence le contenu de la pensée en tant que jugement ». Cette dernière perspective soulève la question de la nature des arguments et permet d'en observer trois types : 1) les arguments fondés sur des faits ; 2) les arguments fondés sur des exemples ; 3) les arguments fondés sur l'autorité.
En ce qui concerne la « Forme de l'argumentation
», à laquelle est réservée la quatrième
partie, l'explicitation a recours à l'analyse des techniques.
A partir du concept de « technique d'argumentation »,
l'auteur dégage une typologie structurée sur l'argumentation
par déduction inférentielle,l'argumentation par
déduction syllogistique et l'argumentation par les techniques
inductives. Cependant, il est montré que les techniques
d'argumentation relèvent d'un fonctionnement coopératif.
Celles basées sur implication ou disjonction, sur compatibilité
ou dilemme, celles s'appuyant sur médiateté ou immédiateté
etc. s'appellent, s'enchevêtrent et se renforcent mutuellement
dans les pratiques discursives. Au bout de cette coopération
est visé le pouvoir de convaincre.
Question fondamentale de la pratique discursive, l'évaluation
de l'argumentation fait l'objet de la cinquième partie
de l'ouvrage. Il s'agit de savoir « comment est-il possible
de déterminer si l'interlocuteur est honnête dans
le jeu des arguments ». A cet effet sont mis en exergue
deux types de critères : les critères pour la validité
matérielle de l'argumentation et les critères de
la validité formelle de l'argumentation. Le premier type
qui regroupe les critères de la vérité,
de la suffisance et de l'acceptation permet de constater
si le contenu de l'argumentation est employé selon les
normes de la rationalité et conformément aux exigences
performatives. Le second type de critères « vise
l'analyse des techniques d'argumentation ». L'activation
de ces deux types de critères pour parvenir à une
évaluation de l'argumentation conduit, dans la pratique
discursive, à des conséquences qui peuvent aller
de la critique à la persuasion ou de l'alternative à
la manipulation.
L'évaluation de l'argumentation, c'est-à-dire la tentative de montrer dans quelle mesure une argumentation est conforme aux critères de validité, identifie parfois certaines erreurs par rapport à la « normalité discursive ». Ces erreurs, les sophismes, sont assimilées dans la sixième partie à une « pathologie de l'argumentation » relevant, d'une part, du domaine de manifestation de l'erreur (argument, technique, condition) et, d'autre part, de la source ou du véhicule au travers duquel se manifeste l'erreur (pensée, langage). La combinaison des composants constitutifs de ces deux dimensions offre la possibilité à l'auteur de décliner la pathologie de l'argumentation à l'aide de six classes distinctes de sophismes.
Pour finir, une septième partie porte un regard critique sur les tendances actuelles dans la théorie de l'argumentation. La réflexion est construite autour de cinq orientations uvrant aujourd'hui dans l'analyse de l'argumentation. La première est celle qui approche l'argumentation comme logique non formelle participant d'une réaction au « constructivisme artificieux de la logique contemporaine ». La seconde est celle qui saisit l'argumentation comme logique discursive, orientation développée par Jean-Blaise Grize à l'Université de Neuchâtel. La troisième est celle qui considère « l'argumentation comme problématologie », c'est-à-dire comme « forme productive d'une idée dans la construction de la discursivité ». La quatrième orientation est celle où l'argumentation est tenue pour une pragma-dialectique dont le but est la résolution négociée des conflits d'opinions. Enfin, par la cinquième, « l'argumentation comme pratique linguistique », la réflexion sur les tendances actuelles dans la théorie de l'argumentation rejoint le point de départ de l'ouvrage.
Au terme de ce livre en roumain, il faut
souligner la remarquable initiative de l'auteur, d'ailleurs parfaitement
francophone, de fournir un résumé en français
de chaque partie de l'ouvrage.
©
Sciences de la Société n° 62 - mai 2004