SCIENCES DE LA SOCIÉTÉ
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N° 63 - octobre 2004
Systèmes
d'information organisationnels ?
Dossier
coordonné par Christian
LE MOËNNE
Brigitte GUYOT, Christian LE MOËNNE,
Anne-France de SAINT-LAURENT-KOGAN,
Présentation [Texte intégral]
Brigitte GUYOT,
Éléments pour une approche informationnelle
dans les organisations
Angélique ROUX, Système
d'information et dispositif informationnel : quelle articulation
?
Yves JEANNERET, Forme, pratique
et pouvoir. Réflexions sur le cas de l'écriture
Vincent-Bernard NICOTRI, Système d'information organisationnel et jugement
situé
Bernard FLORIS,
L'information a t-elle du sens ?
Alain RALLET, Emmanuelle WALKOWIAK, Technologies de l'information et de la communication,
organisation du travail et évolution des qualifications
Anne-France de SAINT-LAURENT-KOGAN, Système
technique et organisation : une question d'apprentissage. Petite
revue de littérature
Béatrice VACHER,
Du bricolage informationnel à la litote
organisationnelle. Ou comment considérer le bricolage au
niveau stratégique ?
Michel DURAMPART,
Les services informationnels. SIO et organisation
du travail
NOTE DE RECHERCHE
Bertrand PARENT,
Approches et conceptions managériales des systèmes
d'information. Le cas d'une entreprise de construction automobile
Brigitte GUYOT, Christian
LE MOËNNE, Anne-France de SAINT-LAURENT-KOGAN, Présentation
Texte
intégral
Malgré et/ou du fait de son usage commun et banal, la catégorie
« information organisationnelle » reste problématique.
A bien des égards elle tend même, avec les nouveaux
dispositifs, médias, concepts, à se complexifier
encore. Ce numéro de Sciences de la Société,
vise à interroger cette catégorie, dans une perspective
pluridisciplinaire, en s'efforçant de faire un état
prudent des approches, des recherches et/ou des questions ouvertes
développées par différentes disciplines :
(sciences de l'information et de la communication, sciences de
gestion, sciences cognitives, sciences économiques, sociologie
Pour ce faire, il nous a semblé intéressant de privilégier
l'entrée par les « systèmes d'information
organisationnels », sans bien entendu sous estimer le caractère
tautologique de l' utilisation de notions information, organisation,
système qui pourraient être considérées
comme des synonymes, ni clore a priori ce qui peut être
entendu par information dans ces différents contextes.
A vrai dire, à l'origine de ce numéro, est un triple
constat ou peut-être une triple inquiétude.
1- D'abord, tout semble se passer comme si, à mesure que se développent, dans différents champs scientifiques, les recherches sur les « systèmes d'informations organisationnels » la catégorie « information » devient de plus en plus confuse, brouillonne, les scientifiques semblant rejoindre les professionnels des entreprises pour en faire un mot « pavillon », couvrant toute pratique sociale et professionnelle possible. Au fond, l'explosion de cette notion suscite des positions scientifiques qui se déploient schématiquement entre deux pôles.
D'un côté, l'affirmation de
ce que « le désordre sous les cieux résulte
du désordre dans les cieux », et qu'il convient donc
de construire un concept clair de la catégorie «
information » qui permettra ensuite de distinguer le bon
grain de l'ivraie et de clarifier les notions et approximations
au regard de ce « modèle de la norme ». Cette
vision dogmatique transcendantale peut aller jusqu'à considérer,
dans une pure perspective platonicienne, qu'une telle définition
possède une nécessité rationnelle, qu'il
s'agit d'une forme pure, a priori, que le travail de clarification
vise littéralement à retrouver. La radicalisation
dogmatique ruine toute possibilité de débat par
la prétention à la vérité et à
la « one best way », qui sous tend une classification
excluante
A l'opposé, le constat d'un foisonnement sans limites des
conceptions possibles au regard de l'extrême hétérogénéité
des situations, des pratiques, des langages, des objets, des contextes,
alimente un relativisme qui, radicalisé, se résout
à ce qu'il n'y ait plus de concept universel ou même,
seulement, de concept commun minimum possible. Les conceptions
de la catégorie « information » sont alors
pures juxtapositions de discours, de descriptions, de modèles
empiriques, dont la commensurabilité est pure illusion,
ou nostalgie de la transcendance. Mais radicalisée, cette
posture pragmatique aboutit à un paradoxe : si «
le sage est sans idée », s'il n'y a aucun concept
commun possible, qu'est-ce qui peut fonder savoir commun et légitimité
scientifique puisque ceux-ci supposent un accord minimal au sein
des communautés professionnelles ou scientifiques ?
Comment faire alors ? Partir des pratiques des acteurs professionnels et sociaux, et aussi des pratiques et écrits des chercheurs, pour tenter, dans une posture d'empirisme méthodologique modérée, une démarche descriptive et compréhensive minimale ? La question du statut des chercheurs et des professionnels est ici égalisée, mais avec un argument fort : il n'y a peut-être pas de séparation possible, dans ces domaines où les effets de réalité sont attendus de productions symboliques, entre les praticiens qui essaient de forger une théorie de leurs pratiques et les chercheurs qui s'efforcent de tester pratiquement leurs hypothèses et conceptualisations. Plus fondamentalement se trouve peut-être posée implicitement l'hypothèse que la catégorie « information » ne se laisse appréhender qu'en « creux », comme ce qui permet les différentes médiations, sémiotiques, objectales, organisationnelles qui font émerger autant de formes dont agencements, techniques, pratiques prennent leur sens. Paradoxalement en effet, l'information est toujours pensée « en plein » et non « en creux ». Il faut peut-être alors un autre point de vue, surplombant et symétrique pour approcher les différents textes et écrits, professionnels, scientifiques, privés et publics, pour prendre conscience et appréhender ce statut singulier cette catégorie : ce qui révèle, sélectionne positivement, relie, fait émerger le sens, mais également, plus largement, des différentes formes, sémiotiques, objectales, organisationnelles.
2- La notion de système apparaît tout aussi confuse. Accolée à celle d'information et d'organisation, elle suggère un double bouclage tautologique. L'imprécision du terme s'approfondit dès lors que se disloque la représentation physique des entreprises et des organisations au profit de formes processuelles d'organisations, régulées non par la coordination spatiale, mais par la synchronisation. La préoccupation des praticiens et des chercheurs converge vers les conditions de production et d'ajustement des conventions, règles, normes, procédures qui font appréhender les humains, machines, dispositifs, comme participant de systèmes cognitifs collectifs et largement distribués Mais entre physique et cognitif, entre systémique de première et de seconde génération, la notion de système utilisée indistinctement pour signifier ou évoquer organisation, réseau, interactions, complexité, usages, perd de son heuristique pour devenir aussi un mot « pavillon » dont l'intérêt pour l'action professionnelle comme pour la recherche perd de son évidence. Pour autant, la mobilisation d'autres notions agencements, dispositifs, configurations, formes manifeste parfois davantage les tendances à rabattre la conceptualisation vers les interactions individuelles qu'une réelle prise en compte de l'intérêt de ne pas renoncer à penser l'articulation des différents niveaux de conceptualisation et d'action.
3- Enfin, la catégorie « organisation » semble proprement et paradoxale-ment, malgré l'usage récurrent du terme, absente de la plupart des travaux, sinon comme une entité dont l'évidence quasi matérielle et spatiale devrait éviter d'en expliciter et interroger le concept.
Ce qui frappe dans les travaux scientifiques de diverses disciplines sur les systèmes d'information organisationnels c'est, paradoxalement, ce que l'on serait tenté de qualifier « d'oubli de l'organisation ». Bien sûr, elle est une référence constante, mais sa prise en compte comme contexte, cadre, milieu, environnement de toute action collective est le plus souvent sous-estimée, voire prudemment contournée. Il faudrait en effet préciser quelle conception de l'organisation préside aux analyses des systèmes d'information : s'agit-il d'un état, d'un espace, de relations entre des espaces ou des lieux, s'agit-il de réseaux, de processus, de dispositifs de coordination, de conventions et règles structurant des communautés construites, de formes traditionnelles, institutionnelles, artificielles, de formes-projet ?
Les conceptions de la catégorie « organisation » se déploient encore en effet majoritairement dans un objectivisme têtu. Une organisation c'est, pour divers acteurs professionnels et chercheurs, un ensemble d'états plus ou moins stables s'exprimant dans des métaphores spatiales (lieu, clôture, interne-externe) et s'actualisant dans des formes situées, territorialisées, qui se confondent avec les ressources (humaines, matérielles, financières,..) que précisément cette forme organisationnelle vise à faire tenir ensemble. Ou alors il s'agit de formes temporelles, ensemble de processus, de logiques d'actions normalisées structurant des situations et se déroulant dans des temporalités variables. Le problème, c'est que cette dualité des représentations et des modes d'actualisation des formes organisationnelles, temporalité et/ou spatialité, ne sont le plus souvent pas appréhendées. Le résultat en est la domination, y compris chez les auteurs qui se veulent « critiques » de conceptions qui laissent échapper les formes sociales, anthropologiques, et l'étroite relation qu'elles entretiennent avec les formes organisationnelles.
Ceci manifeste le fait que la dimension organisationnelle est, non seulement négligée ou évitée, mais massivement sous-estimée dans l'appréhension comme dans la conceptualisation de phénomènes qui, pourtant, ne peuvent être compris que s'ils sont fortement référés à leurs contextes et situations d'émergence. Or de ces contextes et situations, il ne peut être rendu compte en référant artificiellement et sans justification autre qu'idéologique des usages et pratiques individuels à des tendances globales, le « micro » au « macro ». Le contexte des usages et pratiques sociales est toujours organisationnel : les formes organisationnelles constituent, à cet égard, une dimension anthropologique aussi essentielle que les autres formes sociales, sémiotiques et objectales avec lesquelles, malheureusement, elles sont le plus souvent confondues.
Surtout, la dimension organisationnelle est celle où s'exprime actuellement le registre normatif technique le plus crucial, notamment dans le contexte de domination mondiale des formes d'organisations que Herbert Simon appelait « artificielles » : la tension entre les normes techniques qui se propagent par le marché, le droit, l'innovation, la guerre et les normes anthropologiques, culturelles, héritées, est au cur des enjeux de la mondialisation. La traduction anthropologique des normes techniques est l'un des enjeux sous-jacents à la propagation mondiale des formes d'organisations rationnelles-légales, notamment dans les pays et sociétés dont les modes de production et de légitimité sont encore traditionnels. Cette tension « moderne », que Max Weber soulignait déjà au début du dernier siècle, entre les modes de légitimités (et les formes d'organisations) traditionnelles et les modes et formes relevant du rationnel-légal, de la norme construite, voulue, projetée, n'a sans doute jamais été aussi vive qu'actuellement.
Ceci devrait amener à prendre la mesure de ce que la dimension organisationnelle est une dimension anthropologique majeure, qui s'articule - voire s'intrique étroitement - aux dimensions sémiotiques et objectales pour contribuer à la perpétuelle émergence des formes sociales dont Castoriadis suggérait qu'elles sont la forme ultime du temps.
Ce dossier rassemble donc des contributions qui interrogent prudemment, selon différentes perspectives, la notion problématique de « système d'information organisationnel ».
La diffusion massive des technologies de l'information et de la communication (tic) est bien sûr la référence la plus fréquente des recherches sur l'information organisationnelle, qu'elles soient développées par les sciences de l'information et de la communication, la (ou les ) sociologie(s), les sciences de gestion ou l'économie. C'est sans doute pour cette raison que, dans la plupart des contributions, le statut de l'information, pourtant parfois fortement interrogé, n'est pas réellement explicité, ni conceptualisé de façon stable. Il apparaît que les approches issues de la théorie de l'information (ou théorie du signal) proposée à la fin des années quarante par Shanon et Wiener, théorie qui était au fondement du développement de ces TIC, ne semble pas retenue comme pertinente dès lors que l'on tente de comprendre le rôle, le pouvoir, l'idéologie, les effets de l'information. Mais cette théorie de l'information comme théorie du signal est-elle pour autant aujourd'hui abandonnée par les sciences sociales ? Ce n'est pas totalement assuré : les conceptions technicistes demeu-rent fortes et prégnantes et semblent conserver une certaine actualité dans les problématiques de la mise eu travail et de la surveillance dans différents champs sociaux. Si nul n'osera explicitement réduire l'information à une pure grandeur physique, observable et quantifiable, pour autant, l'intégration des contextes dans la construction du sens n'apparaît pas encore toujours facile à articuler à la représentation, souvent dualiste, des dispositifs techniques.
Quelques articles interrogent de front le concept d'information. Celui de Bernard Floris, par exemple, souligne que l'information occupe une fonction symbolique de première importance. Mais la notion d'information, qu'elle soit issue de la théorie du signal ou de la sphère journalistique, ne suffit pas à rendre compte de cette hégémonie idéologique dont l'auteur propose d'interroger les fondements. Revenant sur le cadre symbolique auquel l'information s'est substituée, pour démontrer que c'est l'idée d'un monde sans signification, d'une information neutre qu'impose aujourd'hui l'envahissement de la « forme marketing » il propose, prenant appui sur la sémiologie, de redonner à la question du sens la place qu'elle devrait prendre à côté d'un concept d'information revisité.
Vincent Nicotri, propose également une réflexion sur la dimension symbolique des systèmes d'information, qu'il relie ensuite à la façon dont ils participent à la « réorganisation temporelle des actions ». Ces systèmes d'information participent à la construction du jugement en amont comme en aval du SIO. En amont, la catégorisation et les listes permettent au SIO de fonctionner en tant qu'artefact cognitif qui médiatise la vision du monde organisationnel des acteurs concernés. En aval, il modifie la nature des tâches qu'ils ont à réaliser, et définit des moyens dont ils disposent pour les réaliser. Globalement, cette réorganisation temporelle des actions participe d'une disparition rapide du passé au profit de l'urgence du présent.
Constatant que la diffusion des TIC est contemporaine d'une extension de la mise en écriture,Yves Jeanneret propose une réflexion sur la façon dont celle-ci contribue à l'émergence d'un nouveau concept d'information qui, comme forme sémiotique, « n'advient que lorsque nous posons notre regard sur le monde, elle n'existe pas en dehors de ce geste à la fois perceptif, interprétatif et cognitif ». Si l'informatique est perçue comme un nouveau dispositif d'écriture doté de ses propres formes, ces nouvelles formes écrites semblent pour l'auteur saisir « de plus en plus, non seulement des textes, des contenus culturels, mais des pratiques d'inscription de nos actes, avec ses temporalités inscrites dans l'espace de l'écriture ».
Béatrice Vacher et Brigitte Guyot
abordent la multiplicité des significations possibles de
l'information en ancrant fortement celle-ci à une observation
des pratiques professionnelles qui permettent de jeter les bases
pragmatiques de distinctions fortes entre les différents
éléments concourant à la production des traces,
supports, services. L'approche gestionnaire proposée par
Béatrice Vacher, suggère que les pratiques d'information
peuvent s'inscrire hors ou à la lisière des normes
professionnelles stabilisées et relever ainsi de bricolages
susceptibles, pour peu qu'on y prête toute l'attention nécessaire,
de donner à ces pratiques d'information une dimension stratégique
et organisationnelle. Les exemples analysés par l'auteur
visent à démontrer, dans une perspective professionnelle,
comment ce bricolage peut devenir un levier d'action stratégique
pour les managers. La diversité même des significations
implicites lisibles dans les actions de production d'information
conduit Brigitte Guyot à s'inscrire dans une approche empirique
et une pragmatique de l'action. Analyser les pratiques d'information
semble pertinent dans la mesure où l'information y est
interpellée, reformatée, saisie, traduite par de
nombreux acteurs. Ces derniers se trouvent devoir endosser différents
rôles associées à ces pratiques : producteur,
éditeur, utilisateur, interprète. L'information
résultant et s'accompagnant sans cesse d'une série
d'interventions, la surabondance d'informations souvent évoquée
dans la sphère professionnelle, n'est-elle pas plutôt
due plus simplement à une intensification des pratiques
d'information, et donc de la part intellectuelle du travail ?
Angélique Roux, partant d'une comparaison entre les notions
de système d'information et de dispositif, revient également
sur la nature des actions auxquelles l'un et l'autre participent.
Chacun définit un cadre d'interaction en offrant à
la fois un cadre fédérateur tout autant qu'un espace
de tensions dues aux différentes dualités supportées
par le système ou le dispositif. Dans la littérature,
ces deux notions ne sont pas toujours clairement différenciées,
mais l'auteur constate que le système est souvent associé
à plus de formalisme, alors que le dispositif est considéré
davantage comme un environnement, une notion plus mouvante qui
met l'accent sur l'autonomie. Dans un contexte où les entreprises
sollicitent de plus en plus l'autonomie, l'initiative de leurs
salariés, il serait plus pertinent, d'après l'auteur,
de mobiliser la notion de dispositif plutôt que celle de
système.
Anne-France de Saint Laurent-Kogan retrace les grandes étapes de la question récurrente du modèle d'organisation du travail associé aux différents systèmes techniques, posée en France par les sociologues du travail, depuis le machinisme industriel jusqu'aux TIC. A la différence des autres systèmes, les TIC sont non seulement porteuses d'une organisation du travail, mais aussi et surtout potentiellement porteuses de nouvelles organisations. Pour cela, il faut détenir le pouvoir de mettre en uvre de nouvelles règles organisationnelles et d'acquérir les savoirs nécessaires pour combiner ces nouvelles règles aux technologies de l'information et de la communication. Il n'y aurait donc plus de modèle unique d'organisation du travail associé aux TIC, mais un processus de réorganisation permanent. Cependant celui-ci serait largement dépendant des capacités d'apprentissage individuelles, collectives et organisationnelles.
En économie également, se pose la question des relations entres le système technique, aujourd'hui les TIC, l'organisation des entreprises et celle du travail. Pour renouveler la question, Alain Rallet et Elisabeth Walkoviak proposent de porter leur analyse sur l'évolution de la demande de travail liée au choix organisationnel et à la diffusion des TIC. Ils montrent le lien entre la diffusion des TIC, les changements organisationnels associés à de nouveaux dispositifs managériaux, dans le cadre desquels les salariés doivent faire preuve d'autonomie, de responsabilité et d'aptitude à gérer le changement. Ainsi il y aurait un effet de sélection : on guiderait l'attribution des TIC aux travailleurs les plus qualifiés.
La diffusion des TIC se trouve associée
à des changements profonds dans le travail : elle participe
d'une mise en écriture généralisée
supportée par des dispositifs orientant les logiques d'action,
tout en faisant largement appel aux qualifications et à
l'autonomie des travailleurs. Ces pratiques d'information, tout
autant guidées par les systèmes d'information organisationnels
que ressources pour ces mêmes systèmes, ne sont donc
pas l'apanage de tous les salariés. Elles concernent essentiellement
une population plus formée et revendiquant une certaine
autonomie au travail. Le travail d'information participe de cette
grande chaîne de production et d'interprétation des
guides pour l'action, mais cela au prix d'une intellectualisation
du travail exigeant la mobilisation de ressources cognitives.
Cette transformation restera-t-elle circonscrite à une
partie de la population ou pourra-t-elle s'étendre à
une population de plus en plus formée ? Ainsi, à
partir d'une réflexion sur l'information, on perçoit
mieux la nature des grandes mutations anthropologiques et sociales
à l'oeuvre.
©
Sciences de la Société n° 63 - oct. 2004
Brigitte GUYOT, Éléments
pour une approche informationnelle dans les organisations
Résumé
L'une
des voies possibles pour appréhender la place de l'information
dans les organisations est de partir de l'activité d'information,
et de voir comment elle engage une relation à l'action,
une relation aux dispositifs d'information et ré-interroge,
de ce fait, la médiation. C'est prendre en compte tous
les acteurs et leurs pratiques en matière d'information,
pour étudier les transformations en cours dans l'accès
et l'exploitation d'information dans la sphère profession-nelle.
C'est proposer quelques définitions de l'information.
Mots-clés
: sciences
de l'information, communication organisationnelle, activité
d'information, dispositif d'information.
Angélique
ROUX,
Système d'information et dispositif informationnel
: quelle articulation ?
Résumé
Cet article
revient sur le glissement qui s'opère dans les recherches
contemporaines, du système d'information aux dispositifs
informationnels. Si l'on considère les transformations
en cours, le passage d'une notion à l'autre dans la littérature
en sciences de l'information et de la communication n'est pas
une commodité de langage. L'emploi concomitant et imbriqué
des deux notions suscite certains questionnements et la confrontation
de ce que recouvre la notion de système d'information d'une
part, et la notion de dispositif d'autre part, fait émerger
des convergences. Nous proposons donc ici un emploi différencié
de ces deux approches.
Mots-clés
: système
d'information, dispositif informationnel, définition, pratiques
de recherche, organisation.
Yves
JEANNERET,
Forme, pratique et pouvoir. Réflexions sur le cas de
l'écriture
Résumé
Cet article
propose une réflexion de synthèse à partir
d'un ensemble de travaux sur les formes écrites et leur
rapport à l'information et au pouvoir. Les objets écrits
y sont conçus, non comme de simples vecteurs de fonctions,
mais comme des formes incarnées, données à
interpréter, faisant à la fois épaisseur,
obstacle et mémoire. Examiner ces formes matérialisées
rend visible certaines dimensions du pouvoir : énonciation
éditoriale, jeux de visibilité, articulation de
la contrainte et de l'initiative. C'est aussi le moyen de caractériser
l'arrivée des médias informatisés comme un
déplacement dans ces économies de l'écriture.
Mots-clés
: écriture,
forme, pouvoir, sémiotique, texte.
Vincent-Bernard NICOTRI, Système d'information
organisationnel et jugement situé
Résumé
L'article
précise de quelle façon le SIO contribue à
la reconfiguration organisationnelle et explore l'hypothèse
de son influence sur le modèle interprétatif que
les acteurs mettent en uvre pour comprendre l'organisation, s'y
ajuster, et coordonner leur action. Il montre de quelle façon
l'infrastructure technique définit un espace de signification
et d'interprétation, validé par l'organisation,
et qui s'inscrit dans la perspective d'une action conventionnelle.
Dès lors, la coordination repose moins sur l'aléatoire
d'une représentation intériorisée de l'organisation,
que sur une représentation intégrée au système
d'information. L'organisation virtuelle, paramétrée
dans le système d'information, allège ce qui, dans
la coordination, relève des acteurs.
Mots-clés
: système
d'information, communication, convention, organisation, cognition,
constructivisme.
Bernard
FLORIS,
L'information a t-elle du sens ?
Résumé
La notion
d'information navigue entre le flou de la fabrication journalistique
et la rigueur mathématique des informaticiens. Principalement
inspiré par la seconde source, le concept d'information
utilisé par les chercheurs en communication souffre de
la négation du sens engendrée par la théorie
shanonnienne et par la cybernétique. Dans le sens commun,
être bien informé tient plus de l'accumulation de
données que de capacité à produire de la
signification. Il faut aujourd'hui revaloriser la question du
sens à partir d'une tradition intellectuelle critique trop
vite abandonnée par le postmodernisme et les intellectuels
médiatiques. Comme l'avait fait Roland Barthes, cela revient
à poser à nouveau ensemble les questions de la sémiologie
et de l'idéologie.
Mots-clés
: information,
sens, signification, sémiologie, idéologie, intellectuels,
critique.
Alain
RALLET, Emmanuelle WALKOWIAK,
Technologies de l'information et
de la communication, organisation du travail et évolution
des qualifications
Résumé
La diffusion des TIC dans l'ensemble des entreprises relance le
vieux débat sur les effets du progrès technologique
sur la qualification des salariés. Les travaux empiriques
récents ont montré une complémentarité
entre l'utilisation des TIC et le développement de l'emploi
qualifié ou du niveau des salaires. Il reste à interpréter
ce phénomène. L'article propose de sortir du débat
sur le biais technologique en montrant que les relations entre
le changement technologique et la structure des qualifications
passe par la prise en compte du changement organisationnel associé
à la diffusion des TIC. Cette thèse est illustrée
par les résultats de l'enquête statistique COI (Changement
organisationnel et informatisation).
Mots-clés : technologies de l'information, progrès
technologique, organisation du travail, qualifications.
Anne-France
de SAINT-LAURENT-KOGAN,
Système technique et organisation : une question d'apprentissage.
Petite revue de littérature
Résumé
Cet article
montre l'évolution des recherches en sciences sociales
qui ont accompagné les évolutions techniques dans
le travail, du machinisme industriel aux dernières TIC.
Il reprend une dialectique déjà ancienne : celle
qui oppose organisation et technologie. Ainsi, au cours de ces
décennies, la perspective d'un modèle d'organisation
univoque associé à un système technique s'estompe
au profit d'une organisation-processus en mutation permanente.
Ce mouvement prenant toute son ampleur quand les individus comme
les collectifs au travail réalisent un apprentissage permanent
mobilisant d'importantes ressources cognitives.
Mots-clés
: technique,
TIC, organisation, travail, apprentissage.
Béatrice
VACHER,
Du bricolage informationnel à la litote organisationnelle.
Ou comment considérer le bricolage au niveau stratégique
?
Résumé
Il est
délicat de promouvoir un fonctionnement habituellement
aussi peu recommandé que le bricolage même si on
le sait facteur de performance comme l'ont bien montré
les observations sur les pannes et les accidents. Du bricolage
informationnel à la litote organisationnelle, c'est-à-dire
à la considération stratégique de simples
dispositifs astucieux de management (faire des outils informatiques
incomplets ou mettre en place des outils de gestion provisoire),
ce qui change c'est le regard que l'on porte sur le poids de nombreuses
situations. Dans une organisation, on n'agit pas de la même
façon si on sait le bricolage irréductible ou si
on espère un jour le faire disparaître.
Mots-clés
: bricolage
informationnel, outils de gestion, cognition distribuée,
action située, agencement organisationnel, sensemaking.
Michel
DURAMPART,
Les services informationnels. SIO et organisation du travail
Résumé
Les SIO
mettent en jeu une notion d'usage qui peut poser des questions
de délimitation scientifique dans le champ des sciences
de l'information et de la communication. Entre une approche globale
et locale de ce construit socio-technique, il convient de situer
la place de l'acteur qui se positionne face au modèle proposé
par l'organisation au regard de ses propres conceptions. Cet enjeu
d'une dialectique entre une dimension collective et individualisée
se reflète actuellement lorsque des systèmes comme
les Intranet ou les processus de knowledge management se structurent
sous la forme de services organisationnels.
Mots-clés
: systèmes
d'information organisationnels, construit socio-technique, Intranet,
knowledge management, services organisationnels, processus.